Pascal, un mathématicien joueur
Mieux vaut parier que Dieu existe. S’il s’avère que l’après-vie existe, banco ! Sinon, personne ne vient vous réclamer le montant du pari. Ce célèbre “pari de Pascal” est d’une belle simplification mathématique. Mais l’équation réelle est loin d’être aussi simple, et l’argumentation de Pascal se dénigre d’une multitude de façons. Dieu est-il un petit commerçant pour qu’il accueille chaleureusement ceux qui croient parce que c’est dans leur intérêt ?
Le pari de Pascal émaille une interminable liste d’hypothèses à propos du mystère de l’Origine. J’évite le terme “Création” car il postule déjà l’existence d’un Créateur. Même dire “origine” est s’avancer un peu trop. Qui peut attester d’un début ? Notre pensée s’est déjà installée dans un temps. L’esprit ne part jamais de rien. Il a créé un décor préalable avant de présenter ses hypothèses. Or les “papiers-peints” des murs de nos esprits sont tellement diversifiés, que les hypothèses le sont autant.
Ne répondez pas à Dieu
Et le vrai pari est là ! Il faut parier que Dieu existe parce que cela multiplie infiniment les idées à son sujet. Nous pouvons mettre à peu près n’importe quoi dans le concept “Dieu”. Les scientifiques y placent des lois fondamentales, les mathématiciens un univers d’informations, les traditionnels un vieux patriarche, les simulateurs une espèce extra-terrestre évoluée, les écologistes la Nature, les orientaux une conscience universelle, etc, etc.
Bien sûr aucune hypothèse n’est vérifiable. Même les scientifiques. Il faudrait s’extraire du “tout” pour les tester. Impossible. Tout ce que nous faisons et pensons est à l’intérieur. Rien ne s’évade. Seul Dieu pourrait confirmer. Il a daigné vous répondre ? Surtout ne lui communiquez pas le code de votre carte de crédit…
Agrandissons un peu le tabernacle
Aucune croyance n’étant testable, ni aucun athéisme adverse, le nuage de nos hypothèses invérifiables ne fait qu’enfler au fil du temps. Chacun peut concevoir sa théorie de Dieu personnelle. Chacun le fait, en réalité, car aucune manière de penser l’Origine n’est identique à une autre. Que des milliards de regards convergent vers une notion commune ne fait pas apparaître un Dieu unique. Il devient plutôt un sujet doté de milliards de facettes, et personne ne peut vérifier qu’il existe quelque chose au milieu.
La croyance en Dieu ne le fait pas apparaître. Elle l’enferme dans une photographie, celle qu’a prise notre esprit. Affreusement réducteur, pour un personnage ou une chose aussi importante ! Comment le libérer, cet Être ultime, et lui redonner sa puissance ? En multipliant les croyances. En taillant une myriade de nouvelles facettes autour de la nôtre. Plus ces facettes s’accumulent plus l’espace qu’elles délimitent s’agrandit. Dieu peut enfin s’étirer, se loger plus dignement, s’affranchir de ses petites créatures.
Pariez sur vous, pour le bien de tous
Le pari que je vous propose de faire n’est pas très gros. Il consiste à croire en Dieu à votre manière très personnelle, et la conserver. Vous vous êtes un peu démarqué de votre voisin ? Excellent ! Vous avez fait un peu plus de place à Dieu. Vous l’avez rétabli dans son mystère. Parce qu’il n’est pas connaissable. Plus nous nous accordons sur ce qu’est Dieu, plus cette image partagée est “largement” fausse, puisque son mystère n’est pas explicable.
Au contraire en pariant que votre image de Dieu est la bonne, l’erreur est toute petite, seulement individuelle. Associées ensemble, toutes ces petites erreurs dessinent une gigantesque bulle d’hypothèses. Dieu a toutes les chances d’être à l’intérieur. Est-il information, humanoïde, force, programme, champ de conscience ? Nous ne le saurons jamais. Mais ensemble, nous l’avons cerné. Un Dieu pour l’Humanité entière.
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