Devient (un peu plus que) ce que tu es

« Devient ce que tu es ». L’incroyable bêtise de ce pléonasme n’est pas apparue à Nietzsche, qui l’a repris à Pindar, un philosophe du Vè siècle, et elle fait encore les beaux jours de la psychologie positive contemporaine. Bien entendu il faut admettre que nos penseurs lui voient un sens caché. Ce que je suis me serait dissimulé (dans l’inconscient), et donc pour être pleinement moi-même il faut que je le découvre.

Cette reformulation de l’antienne freudienne a un grave défaut. L’inconscient n’est pas un cerveau second qui rivaliserait avec nos décisions conscientes. C’est le soubassement dur à la tâche de notre mental (il doit traiter une multitude de données sensorielles) mais parfaitement crétin, générant des comportements aussi habituels que stéréotypés. La conscience y apporte un peu de sel et de souplesse, souvent a posteriori, car son temps de réaction est nettement plus lent.

Devenir ce que l’on est ? Être davantage cette fondation un peu sommaire, c’est devenir plus souvent le lapin inconscient qui se dépêche mais n’arrive pas sur la bonne ligne d’arrivée, plutôt que la tortue consciente qui prend son temps mais atteint son but.

Le but est-il toujours précis ? Pas vraiment. Le lapin est aussi celui qui s’arrête parce qu’il se croit arrivé. Tandis que la tortue a pris le temps de voir qu’il existe une ligne un peu plus loin, et une autre plus loin encore, jusqu’où ? Les arrivées sont des étapes. L’adage s’inverse : « Deviens ce que tu n’es pas ». Pas encore.

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