Faut-il tirer au sort la fonction présidentielle ?

Octave Larmagnac-Matheron, sans doute le meilleur petit génie sur Philomag, nous compose cette semaine une ode au tirage au sort électif. Je vous laisse lire sa course de haies philosophique, où plusieurs auteurs l’aident à sauter par dessus les obstacles. Car il s’agit bien de haies difficiles à franchir, à commencer par l’exemple athénien, qui n’est pas une démocratie mais une société stratifiée avec au sommet un tirage au sort au sein de l’oligarchie des citoyens. Mais Octave n’a-t-il pas déjà raté son départ ? N’a-t-il pas déjà occulté quelque chose de fondamental dans la nature humaine ? Voici ma réponse :

Merci, Octave, d’avoir écrit cet article éloquent. Il démontre que nous nous croyons tous sociologues, et que nous en sommes tous des versions profondément immatures. Le tirage au sort électoral est l’aboutissement de l’égalitarisme, et non de la démocratie. Il ne s’agit plus de trouver un bon gestionnaire du collectif, mais d’adouber l’idée que nous sommes tous équipotents dans cette tâche. Dès lors le principe d’un pouvoir centralisé se vide de son sens. Ce lieu n’a plus aucune fonction. Jusque là il y a une certaine logique.

Puisque le lieu de la représentation est déchu de tout pouvoir nous pouvons effectivement y placer n’importe qui, par tirage au sort. Peu importe qu’il s’agisse d’un saint, d’un psychopathe, d’un héros ou un zhéros, ça ne change rien. L’égalitarisme commande même d’offrir une représentation aux animaux, aux plantes et aux fleuves. Pourquoi ne pas placer une jolie fleur en pot sur le fauteuil du président ? Peut-on parler encore de représentation ? Pourquoi une élection ??

Ce que votre fantasme décrit, Octave, n’est pas la démocratie mais l’anarchie. Vous occultez un élément fondamental de la nature humaine, qui est le sentiment d’appartenance. Ce n’est pas une simple étiquette du type « Je suis humain comme les autres ». C’est une véritable délégation de pouvoir au collectif. Ce sentiment est à la base de l’amour partagé. Quand je dis à ma compagne qu’elle peut décider comme elle le souhaite d’une chose qui nous concerne tous deux, je délègue mon pouvoir au couple que nous formons. Un tout supérieur à mon ego. L’appartenance est cela tout au long de notre vie sociale : déléguer du pouvoir à plus grand que soi. Une nature fondamentale qui semble malheureusement étouffée dans les générations programmées par des algorithmes ultra-individualisants.

Qui va corriger tout cela, si nous nous sommes entièrement livrés à eux ?

*

En illustration : l’ultra-individualisme, un ego (pas si) net dans un monde flou.

Laisser un commentaire