Abstract: Redéfinir une politique locale nécessite au préalable d’analyser l’échec des politiques globales. Après avoir pointé le décalage entre progrès scientifique et social, je montre que les sciences humaines sont tronquées par l’égalitarisme, vrai objectif idéaliste mais faux principe directeur. Se désintoxiquer d’un égalitarisme dépersonnalisant demande de rétablir les frontières dégradées des cercles sociaux, en les gardant perméables. C’est la raréfaction et la contestation de ces cercles qui les a rendus aussi radicalisés. Il faut au contraire les multiplier pour nicher une myriade de personnalités originales au sein d’eux. Comment rendre ces cercles moins conflictuels ? En les hiérarchisent dans une pensée verticale. Là commence la vraie révolution par le bas.
La dramatique faiblesse des sciences humaines
Quel est le problème crucial affronté par l’Humanité aujourd’hui ? Non, ce n’est pas le climat, ni le populisme, le terrorisme ou l’IA. Tous ces dangers sont issus d’un problème plus fondamental : la puissance croissante de nos connaissances ne s’accompagne pas aussi vite de leur utilisation éclairée. Un hiatus s’élargit entre le progrès scientifique et politique. La faiblesse des sciences humaines face aux sciences physiques est la grande responsable. Tandis que notre pouvoir sur la matière grimpe comme un champignon atomique, le pouvoir sur nous-mêmes suit des cycles d’essors et d’effondrements, au fil des régimes politiques. Que le hiatus continue à s’élargir et nous pouvons craindre une future société anarchiste où chacun, libre de ses actes et dictateur de son monde personnel, aurait les moyens de construire une arme capable de détruire la planète.
Sociologie et politique ne sont pas des sciences consensuelles. À la différence d’une physique structurée par des théories précises elles sont formées de courants d’opinions. Tandis que le cosmos se pixellise et s’ordonne avec une finesse croissante, l’univers humain reste flou, vu par un Hubble sociologue qui n’aurait jamais réussi à aligner ses miroirs d’observation. Impossible de savoir si la Terre va survivre à son enfantement de l’humanité ou exploser dans un holocauste nucléaire. L’effet majeur est que l’humain reste flou à lui-même. Et ce n’est pas pour lui déplaire ! Là en effet réside son espace de liberté. La liberté individuelle étant un principe fondamental, alors il n’est pas désirable que la société ait une image précise de chaque individu, au risque qu’elle leur attribue des places trop déterminées.
Le sociologue est une particule qui regarde les autres
La sociologie est gravement handicapée par le fait que chercheur et objet de la recherche sont une seule chose. L’humain ne parvient pas à se détacher de lui-même. Comment regrouper la multitude de regards sur le monde quand on est soi-même troublé par des biais cognitifs et des obédiences culturelles ? La synthèse ne peut venir que d’en haut, d’une observation supérieure. Mais si le sujet à connaître est l’humain, qui a la prétention divine de projeter un regard extra-humain ? Beaucoup trop de monde, beaucoup trop de prétentions ! Chacun est la déité de son monde intérieur, et nous refusons de donner ce pouvoir à un autre. La possibilité d’un dieu Unique disparaît quand nous en avons une foule sous les yeux. La connaissance, en sociologie, vient d’en bas et non d’en haut.
« La connaissance inutile », titrait Jean-François Revel dans un livre de 2013 pour illustrer ce fossé croissant entre progrès scientifique et politique, entre la connaissance du réel et l’efficacité de son utilisation. Le fossé est aujourd’hui un abysse. Nous sommes terrorisés devant l’IA. Étant incapables de comprendre le fonctionnement d’un collectif humain, craignant nos propres dérives individuelles, comment allons-nous gérer l’irruption de super-humains ?
Le coeur du problème sociologique
Le problème semble hors de portée et pourtant sa formulation est remarquablement simple : Existe-t-il une méthode fondamentale qui permette de gérer nos différences ? Toutes les différences, qu’elles soient ethniques, intellectuelles, biologiques, économiques, générationnelles ? Ce n’est pas la gageure que nous pourrions imaginer d’emblée. Pensez seulement ceci : l’Univers entier est la production et la gestion de différences, de relations entre des quantons, des atomes, des molécules, des microbes, des organismes, des espèces.
Ces relations sont conflictuelles. Certains éléments valorisent leur individuation, se reproduisent ; d’autres disparaissent. L’Univers augmente spontanément son ordre —et non son désordre comme le disent à tort ceux qui l’aplatissent en nous réduisant à des particules. Comment fait-il pour s’organiser ainsi sans même posséder un cerveau ? Serait-il un gigantesque ordinateur subquantique, le Créateur qui simulerait nos existences ? Ne vous privez pas d’hypothèses fantaisistes mais ce qui nous intéresse ici est le mode opératoire : comment toutes ces différences n’ont-elles pas fait sombrer l’Univers dans un chaos infini mais au contraire élevé son ordre ? Comment tirer nous-mêmes parti de nos différences pour élever la société humaine ?
L’aberration qui tronque la sociologie
Certainement pas en utilisant le principe égalitaire. Si l’on doit gérer des différences, il est aberrant de partir du postulat que nous serions tous égaux. La charrue sociologique avant les boeufs à deux pattes. C’est pourtant bien ce principe qui a été introduit avec la Révolution Française, et toujours au coeur de la politique contemporaine, qu’aucun sociologue se garde bien de remettre en question. Un vilain petit canard, l’Égalité, s’est niché au milieu des cygnes Liberté et Fraternité au fronton de la République.
Comme je l’explique dans Societarium, l’Égalité n’est pas un concept néfaste, bien entendu. Mais il n’a rien à faire au milieu des deux principes vraiment ontologiques que sont la Liberté (l’individualisme) et la Fraternité (le collectivisme). Ces deux fondamentaux sont irréductibles et contradictoires par nature. Ils déclenchent obligatoirement un conflit. La méthode d’organisation universelle que nous cherchons est la gestion d’un conflit. L’Égalité n’est ni un principe ni une méthode, c’est un objectif. Et comme tout objectif idéal, inatteignable. En faire le moteur de l’organisation sociale n’est pas seulement une aberration, c’est le moyen le plus sûr de bloquer le moteur et le faire éclater entre ses millions de pièces humaines. Ce à quoi nous sommes en train d’assister en Occident actuellement.
L’égalité des chances n’est pas l’égalitarisme
Ce qui a fait de la démocratie un régime emballant n’est pas l’égalité mais le partage équitable du droit à l’importance. Chacun d’entre nous peut montrer ses talents et améliorer sa situation personnelle par ses réussites. C’est l’aspect individualiste du droit à l’importance, la concrétisation du principe de liberté individuelle. L’aspect collectiviste n’est pas négligé. La fraternité des transferts sociaux assure que le droit à l’importance ne descende chez personne en-dessous d’un certain seuil. Mais il faut bien différencier ce droit préservé de l’importance réalisée. Notre liberté, notre responsabilité individuelle, réside dans la réalisation partielle ou entière de ce droit.
L’égalitarisme tient un discours fort différent, attribuant à chacun une importance pleine et entière par le simple fait d’exister, d’être né. C’est l’importance aveugle du chiffre placé à côté des autres, ultime dans sa petite case et équivalente à tous ses semblables. Peu importe comme nous utiliserons cette importance par la suite, elle ne variera point. La déresponsabilisation face au tout est complète, et la liberté en réalité inexistante. Elle peut sembler très forte au premier regard, puisqu’émancipée de toute comparaison. Mais elle devient alors entièrement solipsiste, n’existant que dans le monde intérieur de l’individu, aucunement dans la réalité partagée.
L’individuation n’a de sens que face à l’appartenance
L’individuation, la liberté personnelle, n’a de sens que face aux autres. La liberté de l’ermite est factice, chétive, cachectique même, parce qu’entièrement réduite à son monde solitaire, épuré de tout conflit, avec la simple survie du corps physique à gérer. L’individuation n’est puissante que face à un fort sentiment d’appartenance, la liberté ne résonne que face à nos chaînes. Plus les chaînes sont lourdes et que nous acceptons de les porter, plus l’impression de liberté est irrésistible quand elles tombent, à la fin de nos tâches imposées.
L’égalitarisme rampant a fini par remplacer le droit équitable à l’importance dans nos sociétés, nous transformant tous en adultes-rois, mais des rois à l’importance minuscule. Une image de soi bien médiocre en fait. Notre importance est divine mais dans un étroit monde intérieur, tandis qu’elle est voisine du néant à l’extérieur. Le monde global n’a que faire de nous. Vous comprenez ici la discordance entre l’importance médiatique croissante accordée au citoyen et la nullité de l’importance ressentie. Elle est factice. L’anarchie aggrave les choses. Nous sommes les roitelets d’un monde toujours plus étroit. Certes les misanthropes peuvent s’en satisfaire. Riches en troubadours intérieurs ils arrivent à se contenter de leur petit royaume. Mais notre part collectiviste se sent flouée. Quand c’est notre sentiment dominant, et que nous participons davantage à la vie politique que nous ne l’avons jamais fait, un terrible sentiment de frustration survient devant les faibles conséquences de cette implication. Alors la misanthropie progresse inéluctablement chez nos contemporains…
L’implication source de frustration?
Ce paradoxe est la conséquence directe de l’égalitarisme, un objectif inapplicable en tant que principe directeur. Si l’égalité est imposée au départ, pourquoi s’impliquerait-on dans un effort quelconque, qu’il s’agisse d’un travail ou d’un partage ? Que va-t-on en retirer ? Rien. L’égalitarisme est le pire opium inventé pour les masses. Nous avons besoin au contraire d’une inégalité initiale pour progresser. L’enfant avance de sa position inégale face à la compétence de l’adulte. Il se projette dans l’adulte au lieu de rester dans son inexpérience. L’enfant-roi, copie juvénile de l’adulte-roi, n’avance guère tout en ayant l’impression d’être très avancé. Pourquoi se fatiguer dans les apprentissages puisqu’il possède déjà toute l’importance que la société est prête à lui accorder. Il attend qu’on lui donne sa part.
Le collectivisme disparaît chez les adultes et les enfants rendus rois par l’égalitarisme. La société est vue comme un fond d’écran inaltérable. Les services communs sont les motifs d’un papier-peint de l’univers social, aussi inamovibles que le cosmos. Les transports, les supermarchés, les médias et autres connectivités sont là pour l’éternité, quoi que chacun fasse. Les entreprises sont les archanges d’un Dieu capitaliste. Pourquoi diable une puissance aussi perpétuelle aurait-elle besoin de nous faire travailler ?
Le contraste naît du relatif
Chez le citoyen-roitelet, une image individuelle médiocre répond au terne sentiment d’appartenance. La personnalité égalitariste est falote, dépourvue de contraste. L’on s’ennuie rapidement à l’entendre perpétuellement décrire son monde intérieur et réclamer son droit à exister, sans rien donner en échange, juste se présenter, comme si tout était dit. A contrario les personnalités marquées sont toujours adossés à un puissant sentiment d’appartenance, au besoin de se réaliser dans un monde partagé, et pas seulement à l’intérieur de soi.
L’ego fort vit dans un monde inégalitaire, dont il cherche à accentuer les contrastes, parce que ceux-ci permettent de mieux s’y positionner, et ainsi cerner plus clairement les contours du soi. Le soi ne s’établit qu’en opposition au non-soi. La force est le propre du relatif et non de l’absolu puisqu’il faut une comparaison. C’est en se reconnaissant comme relatif aux autres que l’on s’étire vers l’absolu et non en se décrétant absolu au départ. La perversion du terme ‘absolu’ a d’ailleurs eu lieu dans son étymologie. “Absolvere” veut dire au départ “détacher de” mais pas “achever de se détacher”. Ce n’est qu’au XIIème siècle qu’il prend ce sens religieux de perfection achevée.
Désintox
Comment notre société peut-elle se débarrasser du poison égalitariste, alors qu’il est devenu la drogue addictive la plus largement distribuée par les réseaux sociaux ? Les algorithmes ont en effet épaissi invisiblement les frontières de nos mondes intérieurs. Les informations sont filtrées avant de les atteindre. Nos contemporains croient se risquer à l’extérieur, se confronter à des univers différents, alors qu’ils n’ont jamais été aussi enfermés dans la propagande, des influences tellement personnalisées qu’elles sont devenues invisibles. Le populisme est l’encagement des individus dans leurs petits mondes et non la création d’un peuple communautaire.
Les algorithmes appliquent ce populisme individuel, anarchisant. Impossible de leur échapper. Nos sociologues et commentateurs politiques s’en émeuvent ! Mais ils n’ont pas encore pris suffisamment la mesure du bouleversement, et sont ligotés par le principe égalitariste. Il est devenu impossible de dire aux citoyens-rois comment gérer leurs royaumes. Comment imaginer encore qu’un sursaut gouvernemental puisse unifier les peuples par le haut, quand le pouvoir a déjà déserté les mains des gouvernants ? Le sursaut, s’il survient, ne pourra venir que du bas.
La nécessité d’une révolution personnelle
Mais nous sommes des myriades en bas. Où un tel sursaut peut-il naître sans être immédiatement noyé dans la masse ? Heureusement nous sommes encore largement isolés les uns des autres par des frontières géographiques et culturelles. C’est à l’intérieur de telles frontières que naissent les différences. Une île pétrie de contradictions est un vivier exceptionnel de solutions potentielles. C’est peut-être la chance offerte à la Nouvelle-Calédonie, bouleversée par ses Évènements récents. Le conflit peut être productif, à condition que le bouleversement occasionné à nos petits mondes intérieurs encourage à s’en échapper.
Le bouleversement d’en bas ne peut être qu’une révolution de nos univers personnels. S’il existe un avantage à être citoyen-roi, c’est de pouvoir choisir le régime politique intrinsèque à son propre esprit. Serons-nous une tyrannie, une monarchie éclairée, une démocratie élisant son désir majoritaire parmi d’autres, ou bien, à notre tour, une anarchie intérieure ? La difficulté d’établir un choix tient à la difficulté de se juger objectivement. L’auto-observation est clientéliste, fort peu émancipée des opinions déversées depuis l’enfance dans notre monde intérieur, d’abord par les parents, frères et soeurs, puis les professeurs, camarades de classe, amis, faux-amis, employeurs, et maintenant les coachs et algorithmes positivistes qui s’efforcent d’élaguer notre auto-observation de toute idée négative, ce qui la rend encore moins objective qu’auparavant.
Comment élargir vraiment notre auto-observation?
Par quoi notre scène mentale personnelle est-elle restreinte ? Par la nécessité de conserver une identité cohérente. Cohérente ne veut pas dire logique, ni “vraie” dans le sens où elle serait fidèle à la réalité. Au contraire, il est strictement impossible de connaître entièrement la réalité. Aucun savoir n’y suffit, n’y suffira jamais. Jamais ? Oui, car notre scène personnelle est une ligne de vie qui se projette dans l’avenir. La réalité ne s’y conforme jamais bien loin. Notre scène n’est “vraie” que sur certains fragments et sujets précis, jamais la séquence complète.
C’est volontairement, le plus souvent, que notre scène mentale s’écarte de la réalité. L’imagination est la manifestation d’une intention, celle d’imprimer notre identité sur la marche du monde. Comment savons-nous si l’avenir est simplement imaginé ou volontairement mensonger ? En séparant attentivement le soi du non-soi. Le soi peut générer tous les espoirs, tous les délires, dans son monde à lui. Tandis que le non-soi doit garder son indépendance, son appellation “réel” officielle. Séparer l’imaginaire du mensonger demande un fort sentiment d’individuation répondant à un puissant sentiment d’appartenance.
La colonisation du réel par le virtuel
La séparation entre soi et non-soi est de plus en plus difficile à trancher. Le réel est devenu virtuel, domestiqué. Les images du soi et du non-soi se mélangent sur des écrans. Les médias concrétisent les productions les plus fantaisistes de l’imagination. Les IA impriment nos rêves sous nos yeux. Tout semble appartenir à présent au réel. Il ne semble plus nécessaire de séparer aussi attentivement la fiction du mensonge. La réalité nous nourrira et nous satisfera de la même façon.
Conserver une identité cohérente est devenu ainsi d’une grande simplicité. Sans différentiation marquée entre soi et non-soi, il est aisé d’ajuster la “vérité” à notre scène personnelle. Nous sommes devenus menteurs par nature, et tout à fait décomplexés. C’est la meilleure manière de rester individués, diversifiés. Si tout le monde partageait la même vérité l’humanité deviendrait une population de clones, n’est-ce pas ? Remarquez ainsi qu’en réaction à une science de plus en plus vérifiée, précise et conquérante, les esprits se sont enfuis prestement vers la magie et les pseudo-sciences, pour protéger leur individuation de cette déloyale tentative de normalisation des scènes personnelles.
Vous comprenez également pourquoi la “langue de bois” fonctionne aussi bien en politique. Un politicien qui ne sait pas la manier n’a aucun avenir. Le discours “de vérité” fait fuir. Une minorité d’électeurs s’y reconnaît, tandis que les autres se rebellent contre cet effort d’assimilation manifeste. La vérité authentique n’est plus accueillie avec le “oui” franc et massif qu’elle mériterait si l’univers réel avait gardé son indépendance. C’est systématiquement le “oui mais…” qui noie le ‘oui’ dans une telle masse d’amendements qu’il devient invisible. Grâce à ces “mais” les identités sont sauvées. Chacun peut conserver son impression d’être unique. Dans une société où nous croisons quotidiennement une myriade d’inconnus, des centaines sur les réseaux, des milliards dans les médias, cette protection est vitale.
Ne cassons pas les frontières
C’est ici qu’il faut voir la nécessité des frontières, des communautés géographiquement regroupées : nous y croisons moins d’inconnus. La nécessité de s’individuer y est plus naturelle, moins radicale, moins délocalisée. Nul besoin de se promener sur un réseau de curiosités planétaires pour trouver un artifice avec lequel enrichir son identité. Localement nous pouvons rester originaux, parce que peu nombreux, alors qu’un surfeur se promenant parmi des milliers de profils finit par les trouver tous banaux, et lui également. Raison de la médiocrité des rencontres faites par des sites dédiés. Vous et l’autre êtes déjà banalisés au départ. Très difficile d’y mettre le sel d’une première rencontre qui aurait été impromptue et locale.
Être identifié par un profil est déjà un amoindrissement insupportable. Le monde nous réduit à l’un de ses points alors que nous cherchons à l’englober. Décote inacceptable de l’individu. Alors la multiplication des profils entraîne une rébellion automatique de notre individuation. Nous sommes poussés vers l’hyper-individualisme par le simple fait de nager au milieu des fleuves de poissons similaires, avant même toute amplification du phénomène par les algorithmes des réseaux.
Même la science se décompose
L’hyper-individualisme entraîne à son tour une amplification automatique du mensonge. Il s’agit d’échapper à la vérité consensuelle, normative. Les croyances alternatives sauvent notre identité. Plus la science nous dit comment penser un réel commun, plus nous cherchons à nous en échapper. La démonstration la plus franche du phénomène est que les scientifiques eux-mêmes ne l’évitent pas. Leurs profils se sont multipliés comme les autres. Les découvertes vraiment innovantes sont rares, concernent une faible minorité d’entre eux. La meilleure manière de sauver une identité de chercheur aujourd’hui est de présenter la vérité sous un angle original, c’est-à-dire l’enrober d’interprétations aventureuses ou de mensonges séduisants.
Nos yeux vont peut-être se dessiller avec l’élection d’un Trump, par laquelle la société contemporaine officialise le pouvoir et la séduction du mensonge. Les électeurs de Trump ne le croient pas faussement accusé de truquer la réalité. Ils savent que c’est un menteur décomplexé. Comme eux-mêmes entretiennent quotidiennement une foule de petits mensonges pour protéger leur identité, Trump est parfaitement représentatif d’une grande majorité d’électeurs. Harris, son adversaire, a été vue comme un peu stupide à prétendre dire la vérité alors qu’elle tient aussi un discours propagandiste. Elle se présente comme une menteuse ordinaire et pas très douée. Trump, plus réaliste qu’Harris, ne s’est pas privé d’en jouer.
Du wokisme collectif à l’individué
Les plus désabusés d’entre nous aujourd’hui sont ceux qui croyaient encore que leurs congénères souhaitent se rassembler autour d’une vérité dominante. Collectivisme dépassé. Aujourd’hui il faut vendre un large échantillons de vérités pour intéresser la clientèle. Votre cohérence s’effondre ? Vous vous contredisez ? Eh bien voilà, vous devenez meilleur représentant d’une société éclatée entre des milliards de royaumes indépendants.
Êtes-vous surpris comme moi que le wokisme soit devenu en une décennie un terme péjoratif alors qu’il désignait au départ un combat salutaire pour sauver notre éthique ? Le wokisme initial se contentait de rapporter des faits. Unis par une faculté commune à séparer soi et non-soi il n’était pas difficile de s’accorder sur les suites à donner. Aujourd’hui cette faculté a disparu en même temps que la morale, écartelée elle aussi entre les univers individuels, gentiment mensongers. Le lanceur d’alerte est devenu un petit hacker de la réalité, qui la trafique pour la rendre scandalisante, et l’enveloppe d’un hashtag à la mode. Voici la nouvelle réalité déjà digérée pour des milliers de suiveurs affamés.
La fin de la morale commune
La vérité ne scandalise plus, puisque tout le monde s’en scandalisera de la même façon. Le mensonge, lui, offre une infinité de manières de se scandaliser, bien plus personnelles. Aujourd’hui, presque toutes les scandalisations renferment une quantité invraisemblable d’exagérations, de non-dits, de contre-vérités. Se scandaliser est devenu synonyme de mentir, de réduire le champ de vision à son petit univers individuel. Il n’existe plus aucun coupable, puisque dans cet univers rétréci tous les mensonges sont valides. Les tribunaux ont fort à faire pour trouver la moindre personne à condamner. Ils représentent une morale commune qui n’intéresse plus personne. Les convoqués exigent au contraire qu’on reconnaisse l’importance de leur univers personnel. Et les autres citoyens, portant la même exigence, les soutiennent.
Reconstruction
Comment reconstruire une société sur un sol humain aussi instable ? Car il faut la reconstruire. Nous n’avons pas encore conscience d’à quel point elle s’est désagrégée. Nos démocraties ont critiqué les régimes autoritaristes qui les entourent sans comprendre qu’ils sont restés plus collectivistes que les nôtres, par la force si nécessaire, et que leur pouvoir s’est renforcé ainsi. Fragilisées, comment nos démocraties se défendent-elles ? Avec leur propre basculement autoritariste, tardif mais inéluctable, par le biais des populismes nationaux. La planète entière redevient anarchique, mosaïque de nations et bientôt peut-être de régions préoccupées surtout de protéger des identités culturelles, des individuations.
La démocratie a-t-elle raté le coche quelque part ? Francis Fukuyama n’avait-il pas annoncé la fin de l’Histoire après l’effondrement du bloc soviétique ? Le tapis rouge semblait déroulé pour étendre la démocratie à l’ensemble de la planète. C’était sans compter avec la dédifférenciation que cela impliquait. Ce collectivisme conquérant promettait d’amoindrir voire d’effacer toutes individuations folkloriques trop spéciales. Aucun humain n’a sa place dans un monde parfait. La perfection généralisée est étouffante, hystérisante. Même les citoyens des démocraties ont fini par se rebeller contre le projet, faut-il accepter.
Sculpter l’informe
Ce ne sont pas les principes de la démocratie qui sont en cause mais son organisation, restée trop figée depuis son origine. De rares révisions constitutionnelles ne suffisent pas à l’adapter aux rapides transformations du mode de vie. Aujourd’hui la contestation qui vise les institutions cible en fait leur conservatisme davantage que le fait d’être gouverné. Les citoyens n’ont pas abandonné l’idée de déléguer leur pouvoir. Ils la freinent parce qu’ils sont dans une atmosphère dépersonnalisante. Egos insatisfaits qui cherchent à relever leurs murailles identitaires. Comment sauver le vivre ensemble ?
J’ai décrit la solution dans Societarium. Il ne s’agit plus d’effondrer les institutions vers une anarchie stupide et vulnérable face à n’importe quel agresseur bien organisé. Il s’agit au contraire d’étendre leur hiérarchie pour y inclure clairement chaque citoyen, sans exception. Découper la masse. Transformer l’informe continuité du “peuple” en une discontinuité d’individus reconnus dans leurs différences. Remplacer le principe égalitaire par l’inégalitaire, en fait.
Redessiner les cercles
Est-ce promouvoir un retour aux pires ostracismes, à l’esclavage, à la soumission des femmes ? Pas vraiment. Notons d’abord que deux siècles d’égalitarisme post-Révolution française n’ont guère changé la donne quand aux inégalités sociales. Elles sont même aggravées. L’égalité des citoyens est sans doute le plus gros mensonge servi par nos démocraties, mais nous continuons d’y voir un principe fondateur. Certes je viens de faire la promotion du mensonge en tant qu’outil de diversification des individus. Cela ne veut pas dire que la société doit se mentir à elle-même. Un principe d’organisation ne peut être mensonger. Dire que le mensonge est nécessaire n’est pas un mensonge en soi.
Remplacer l’égalité par l’inégalité redessine immédiatement la très grande richesse des cercles sociaux qui nous entourent. Au lieu de les abattre avec le bélier du principe égalitaire, nous les redressons et renforçons leurs particularismes. L’identité peut à nouveau s’y nicher et irradier à partir d’un bastion solide. Un ego raffermi peut à nouveau s’intéresser aux différences chez les autres, alors qu’actuellement nos egos évanescents cherchent désespérément ce qui leur ressemble et rejettent toute variation qui pourrait les affaiblir davantage, devenant les proies des populistes.
Il n’y a plus de colonisés, seulement des colonisateurs
Un cercle social est une frontière entre les êtres. Avantage ou inconvénient ? La mauvaise réputation d’une frontière vient de ne pouvoir être traversée dans les deux directions. Si l’une ou les deux sont bloquées, nous n’avons plus affaire à un groupe social mais à une secte. La bonne santé d’une frontière tient à deux choses : être perméable et que ceux qui traversent reconnaissent le changement de règles opéré par la traversée.
Nos démocraties occidentales ont très longtemps négligé ces principes élémentaires. En d’innombrables occasions les démocrates ont traversé les frontières en disant « Nos règles sont maintenant les vôtres ». Faut-il s’étonner alors que les immigrants procèdent aujourd’hui de même, qu’ils fassent irruption dans nos démocraties en conservant leurs règles ? Ils ont appris cela du colonisateur.
Le rêve démocratique devenu utopie
Nos démocraties sont inhospitalières parce que débarrassées de leurs propres cercles sociaux, homogénéisées par un égalitarisme dépersonnalisant. Impossible aux immigrants d’y insérer leurs cercles culturels. Ils ressemblent immédiatement à des forteresses et déclenchent l’hostilité alentour. Cela participe à rigidifier ces cercles plutôt qu’à les assouplir. Le “melting pot” n’en est pas un. C’est plutôt une mosaïque de groupes sociaux naturellement hostiles les uns aux autres, avec des frontières étanches et surveillées.
Tout cela causé par ce principe dramatiquement aveugle, l’égalitarisme, qui ignore nos différences. L’humain idéal serait spontanément capable de s’entendre avec n’importe lequel de ses semblables. Qui peut croire une chose pareille ? Eh bien tous les idéalistes qui ont créé nos démocraties l’ont fait et ce principe contre-intuitif est encore au coeur de notre organisation sociale aujourd’hui. Enfin, il se délite. La montée des populismes en témoigne. Les gens rétrécissent leurs frontières autour de leurs identités dilacérées, s’auto-arrogent localement une importance supérieure. Le grand rêve d’une démocratie planétaire est en passe de rejoindre le panthéon des vaines utopies.
Retisser le rêve
Le rêve a pourtant un intérêt pragmatique. La planète non gérée se délabre. Elle commence à ressembler à un parc à cochons. Nous baignons dans nos déjections plastiques. Comment rétablir le projet d’une coordination mondiale et échapper aux dictatures qui nous guettent, à l’iranisation ? Vous n’êtes pas en effet sans remarquer que nos dirigeants sont en voie d’ayatollisation. Trump, Netanyahu, Melenchon, Orban, Milei… aucun ne rend de comptes sauf à Dieu, c’est-à-dire lui-même. En cela ils semblent très représentatifs de nos contemporains. Ils sont la solution évidente à tous les egos mortifiés. N’en existe-t-il pas de meilleure ? Reste-t-il seulement parmi vous des personnes qui se posent la question ?
Avant de proposer une solution alternative je vous propose néanmoins une autre perspective de la situation actuelle. La précédente, désabusée, est celle que vous lisez partout. Je me suis simplement efforcé d’en montrer les vraies racines. Mais il s’agit toujours d’un regard descendant, entaché d’a priori sur ce que la société devrait être. Et si les racines elles-mêmes se mettaient à parler ? Laissons un instant la parole au regard ascendant…
L’idéaliste surgit et disparaît, le pragmatique demeure
Nos sociétés, comme tous systèmes complexes, sont soumises à l’évolution naturelle. Elles s’arrêtent sur des îlots de stabilité, encadré par ce que nous appelons des “régimes” politiques. L’une de ces îles a été formée par les démocraties à la fin de la guerre froide. C’est fini. Les relations agitées par les réseaux nous font quitter l’îlot. Il a pu nous sembler vaste par la taille des populations impliquées mais à l’échelle de l’Histoire il est resté étroit. L’émergence des dirigeants théâtraux et radicaux est la réponse à la nouvelle instabilité. Ils empêchent l’effondrement complet de complexité que représenterait l’anarchie.
Le discours servi aux électeurs n’est pas le même que celui tenu entre les dirigeants populistes. Leur radicalisme à la fois séduit et effraie parce que nous le pensons constant, tourné vers nous comme vers la gestion du monde. Ce n’est pas le cas chez les “vrais” menteurs, capables de gruger leurs électeurs en tenant un discours fort différent en coulisse. Le danger vient des dirigeants fanatiques, des idéalistes, qui s’attachent à servir la même “vérité” pour séduire et gérer. Il faut souhaiter que l’Histoire, qui a beaucoup vanté ces gens-là, les fasse au moins provisoirement disparaître. Les menteurs sont capables de s’entendre, pas les idéalistes.
Révolution personnelle
Il existe néanmoins la possibilité que nos idéaux ressurgissent. C’est pour ce futur lointain que j’écris cette dernière partie. Elle demande en effet de réviser profondément nos conceptions sur nous-mêmes. La neuroscience n’a pas encore fait les progrès nécessaires. Comment les réclamer à la sociologie ?…
Un petit nombre d’entre vous sera néanmoins intéressé par ces notions, car elles ont des effets personnels immédiats. Elles ne sauveront pas prochainement la planète, mais garderont votre monde intérieur en bonne santé. Et c’est en partageant localement ces notions que peuvent se mettre en place des sociétés véritablement innovantes, par exemple dans le laboratoire d’une Nouvelle-Calédonie, possible îlot de stabilité à la sortie de son grand conflit, modèle pour résoudre les autres ?
Un mental complexe surmonté d’une conscience plate
Notre évolution sociale est freinée par une limitation neurologique chez l’être humain. Le monde tel que nous le voyons est assemblé dans un espace de travail conscient, qui est par nature horizontal en matière d’organisation neurologique. Il est traversé par une grande richesse de pensées, d’émotions, d’abstractions. Un univers en soi. Mais tous ces concepts sont juxtaposés. L’univers conscient est plat. Les alternatives mentales surgissent, se concurrencent, l’une survit dans le fil de pensée tandis que les autres repartent dans les profondeurs. À vrai dire la conscience est bien une vraie démocratie en soi, avec un débat entre les pensées concurrentes, aucune ne pouvant être complètement occultée, et un vote pour garder la plus représentative. La conscience, quelle que soit la moralité des décisions qu’elle prend, est un bon modèle de démocratie mentale. Pas étonnant que nous souhaitions l’exporter.
Mais en réalité ce sommet directeur efficace n’est que l’émergence d’une grande complexité mentale. La complexité est une hiérarchie neurale, depuis les petits ouvriers traitant les stimuli sensoriels jusqu’aux réseaux aristocrates des concepts supérieurs. Chaque niveau crée ses propres règles symboliques, concrètement la configuration particulière des graphes neuraux qui le composent. Les neurones sont égalitaires par leur fonction de centrale électro-chimiques, et inégalitaires par les “cercles neuraux” auxquels ils appartiennent. Cette société neurale ne vous rappelle-t-elle pas la nôtre ?
Transposons notre vraie complexité à la société
Le fait est que grâce à cette hiérarchie complexe les neurones parviennent à établir un contrôle supérieur unifié : la conscience. Ils ont en quelque sorte réussi l’intégration de la planète neurale, le cerveau, sous l’égide d’un dirigeant mondial. Ils sont parvenus à organiser leurs inégalités fonctionnelles tout en étant, au départ, une espèce de citoyens physiquement identiques. Le rêve démocratique réalisé, par la Nature elle-même, à l’intérieur de chacune de nos têtes !
Alors n’est-ce pas ce modèle-là, vu dans toute sa complétude, qu’il faudrait exporter ? Ne tatouons pas sur la société un banal espace de travail conscient, plat et traversé de pensées s’éjectant les unes à la suite des autres. Transposons la hiérarchie complexe, l’ensemble de l’édifice qui permet la confluence de ces pensées. En pratique c’est voir nos cercles sociaux non pas comme juxtaposés et adversaires, cherchant à se dévorer les uns les autres, mais comme des niveaux superposés, intriqués, indépendants et simultanément indissolubles des précédents. J’ai expliqué dans d’autres articles comment de tels paradoxes sont possibles.
La conscience horizontale élague les possibilités
Prenons un exemple simple : une femme peut être à la fois compagne, mère, matriarche, représentante des parents d’élèves, autrice de livres sur l’enseignement, membre du Ministère de l’Éducation. Ces rôles concernent un même sujet, les apprentissages, tout en appartenant à des cercles sociaux différents, hiérarchisés, chacun dotés de leurs propres règles. Si notre femme “aplatit” mentalement cette complexité dans son espace de décision conscient, elle risque de ne plus adapter ses décisions au contexte, agir par exemple en fonctionnaire du Ministère au moment où elle devrait être mère.
C’est l’une des erreurs les plus courantes chez les consciences “horizontales”, qui voient leurs choix comme un menu de possibilités concurrentes. Au contraire la conscience “verticale” voit ses choix comme les marches d’un escalier de complexité. En visualisant la marche sur laquelle elle se tient, elle prend instantanément la décision adaptée au contexte. La représentante des parents d’élèves peut faire un choix qui pénalise sa propre fille, parce qu’elle n’est pas premièrement mère dans ce contexte. Mais elle n’est pas empêchée d’être mère en retrouvant sa fille, et de tenir un discours contradictoire avec son propre choix précédent. Il n’y a de vraie contradiction que pour une conscience horizontale, celle qui installe tous les choix sur le même présentoir, et prendre l’un veut dire se désintéresser des autres. La conscience verticale dispose de bien davantage de place. Elle peut installer l’éventail des choix sur ses étagères et choisir le meilleur en fonction du contexte, sans renier définitivement aucun.
L’être humain n’a pas complété sa verticalisation
Vous devinez la plus grande adaptabilité de la conscience verticale. Elle est toujours debout voire grandie quand la société passe d’un îlot de stabilité à un autre. Tandis que beaucoup de consciences horizontales sont ruinées, frustrées, s’enfoncent dans le catastrophisme et les regrets éternels. La conscience verticale dispose d’une vraie dimension supplémentaire, comme l’habitant d’une feuille de papier qui découvrirait l’épaisseur du livre. Elle ne voit plus l’ego comme contradictoire avec le faire-partie. Ils sont deux pôles indépendants capables de se renforcer tous deux sans se gêner, accentuant les contrastes du monde entre leurs positions franchement écartelées.
L’avenir de l’humanité repose sur la verticalisation de nos consciences, et les cercles sociaux sont indispensables pour les y aider. Ce sont eux qui matérialisent ces niveaux de règles et permettent de nous orienter dans une société dont la diversité ne fait que croître. Si nous voulons englober le monde dans notre esprit, il faut le verticaliser. Il n’est pas nécessaire de s’en emparer d’un seul mouvement. C’est impossible. Néanmoins le principe d’une construction hiérarchisée est qu’il est toujours possible d’ajouter un étage. Nous le faisons spontanément dans l’enfance, sans y réfléchir, pour englober le monde des adultes. Malheureusement, à l’âge adulte, un couvercle finit toujours par interrompre l’élévation de ce gratte-ciel. Une place nous est attribuée en société. La conscience manque d’espace et s’aplatit. L’imagination s’affaisse. Désormais elle surveille les frontières de sa case et s’émeut si l’une d’elles se fait enfoncer. Elle regarde anxieusement autour d’elle et de plus en plus rarement vers le ciel.
Une étanchéité relative
Soulever le couvercle se fait en redressant nos frontières mais en les gardant perméables, en s’exposant aux conflits inévitables que ces confrontations déclenchent, et en créant des niveaux hiérarchiques supérieurs pour les gérer. Pour ne pas se faire gouverner de l’extérieur il faut disposer soi-même d’un gouvernement intérieur capable d’assimiler l’augmentation de complexité.
Verticaliser sa pensée est recommencer à construire des étages vers la Lune. Jamais nous ne l’atteindrons, mais cela nous décolle de l’atmosphère pesante du quotidien. C’est dans la stratosphère et non au sol que l’humanité finira par rencontrer son idéal égalitaire.
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