Scénariste de série: l’exécuteur des grandes oeuvres

Existe-t-il pire engeance que le scénariste de série américaine ? A-t-on formé plus mortel assassin des idoles littéraires ? Non. Le pitre est froid, efficace, entièrement conforme à son moule. Fier de son massacre, même, en regardant les ânes mâchonner les restes de l’oeuvre. Le plus désespérant, est-ce le téléspectateur ciblé qui se contente de son fast-food cinématographique ? Ou plutôt le scénariste qui le pense incapable du moindre effort pour élever sa pensée, lui faire rejoindre l’altitude qu’espérait l’auteur.

Car le scénariste excrète un fèces informe, résidu du gâteau merveilleux que voulait nous faire savourer l’auteur. Se mettre dans le sillage de sa brillance ? Non, le copiste ne pense qu’à la digestion laborieuse de certains consommateurs. Le zappeur est roi. L’image de l’auteur a été monnayée. Il est permis de la barbouiller, l’écrire en lettres fluorescentes et l’accrocher dans un coin du film, pour séduire ceux que la nullité du scénariste aurait immédiatement découragés.

Fondation, dernière victime

La série ciblée aujourd’hui est Fondation, d’après Isaac Asimov. Même pas d’à peu près en fait. Le scénariste n’a sans doute lu que le 4ème de couverture. Puis l’a plaqué sur une série de série, comme la fade industrie américaine sait en sortir des kilomètres. L’ouvrier consciencieux insère ses modules aux espaces prédéfinis. Séquence ambition – émotion – action, répétée 4 fois puis le bref insert stupéfaction et générique de fin d’épisode, nous laissant à l’état de chimpanzés surpris et baveux sur le canapé, en train d’écraser frénétiquement la touche de l’épisode suivant.

Avoir mis la fille d’Asimov en co-productrice, est-ce une garantie de fidélité à l’oeuvre paternelle, ou de rentabilité ? L’objectif d’Isaac Asimov n’était pas d’apprendre les sentiments humains élémentaires à des enfants de 5 ans. Il cherchait à émerveiller des adolescents fascinés par les perspectives scientifiques de son époque. La médiocrité du scénariste frustre d’autant plus que la photographie est éblouissante et les effets spéciaux parfaits, apportant un réalisme incroyable à cette série. Univers futuriste pour tout… sauf les humains, tous gamins stupides et impulsifs. Marmots projetés dans un magasin de jouets technologiques, avec les dialogues de Goldorak.

Les IA sont déjà là

Qui devient une intelligence artificielle aujourd’hui ? Le scénariste, qui pourrait dès à présent se faire remplacer par un algorithme, ou le spectateur, manipulé pour devenir un modèle de série lui aussi ?

M’enfin le numérique n’a pas que des inconvénients. Aujourd’hui je me promène avec mes milliers de vieux bouquins dans la poche. Un seul tome de Fondation (papier) n’y logeait pas, même dans l’édition vendue pour y rentrer…

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Liens:
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