À propos des oeuvres d’anticipation

Les Soleil Vert, 1984 d’Orwell et Matrix, pour parler des anticipations les plus célèbres, ont une faille rédhibitoire : dans la société future décrite, celui qui se scandalise est l’humain d’aujourd’hui, non celui qui vit cette époque. Il est fort peu probable qu’une société voulue par un nombre majoritaire de ses participants leur semble aussi aliénée qu’elle peut l’être pour un spectateur… du passé. Les rebelles de ces histoires, ainsi, n’appartiennent pas à leur temps. Le spectateur contemporain se transpose avec sa sensibilité dans la société future. Ses impressions et réactions sont vives mais sont étrangères à celles des humains modifiés par cette société.

S’agit-il alors de livres qui font véritablement réfléchir ? Cette faille fait prendre conscience de leur caractère nettement manipulateur. Parfois avec les meilleures intentions du monde, l’auteur cherche à empêcher ce monde d’advenir, plutôt que nous le faire discuter. Il se concentre sur le destin d’une personne, interdit une analyse plus exhaustive du niveau de bonheur ressenti par les autres habitants, de l’intégration de leur société au monde physique. Nos descendants sont sommés de réagir instinctivement comme nous, mimer notre sensibilité. Injonction du passé sur les désirs du futur, qui dénigre à nos descendants une indépendance, et la possibilité d’être plus clairvoyants.

Tout cela situe à part le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. John, le héros, y est présenté comme un sauvage inadapté à son époque, incompris, marginalisé, et finalement qui se suicide. Plus réaliste.

Peut-être, avant de chercher les bêtises que pourraient faire nos descendants, faut-il se mettre d’accord sur ce que sont les nôtres ?

*

Laisser un commentaire