Comment étudier la religion ?

Un représentant pour chaque regard

Débat en 2006 entre les philosophes Daniel Dennett et Richard Swinburne sur la meilleure manière d’étudier Dieu et les religions, traduction à télécharger. Dennett est un philosophe naturaliste. Il privilégie la réalité ontologique mais n’est pas un matérialiste réducteur ; il ne pense pas que la science doive toujours s’imposer à l’introspection et au sens commun. Swinburne est un philosophe religieux. Il privilégie au contraire l’approche téléologique et cherche à démontrer l’existence de Dieu. Mais il a conscience qu’il ne peut pas biffer sommairement les données de la science et cherche à la concilier à ses vues.

Vous comprenez immédiatement pourquoi ils peuvent échanger mais jamais tomber d’accord. Chacun privilégie une direction opposée du double regard. Ils considèrent la même chose, comprennent le regard de l’autre, mais refusent tous deux qu’une direction domine l’autre. Ces deux regards sont complémentaires et il est effectivement stérile que l’un soit éliminé. Cela signifie-t-il qu’ils s’équilibrent ? Non si l’on reconnaît que la causalité est ontologique. C’est l’erreur de Swinburne. En situant la causalité divine dans la religion, c’est dans son propre esprit qu’il la loge. L’esprit est vu comme un artefact divin et non une production naturelle. L’esprit cherche à tout prix à se voir dans le monde, car c’est son rôle, mais celui de Swinburne échoue à s’observer dans ce désir. Il se confond avec le monde. La religion est un solipsisme.

Mettre de la science dans Dieu lui enlève sa proximité humaine

L’approche bidirectionnelle, regards descendant et ascendant sur Dieu, est une nécessité incontournable. Mais ce va-et-vient implique départ et arrivée. Le départ de la science contient bien un dieu, appelé ‘lois naturelles’, qui n’est pas celui des religions. La science place les religions à l’arrivée. C’est le contraire pour la religion, qui situe le départ dans un Dieu humaniste, dont nous sommes le pâle reflet. Cette intention incommensurable a créé les fins rouages du monde pour faire apparaître l’humanité. Sans dire comment. Tandis que la science le fait.

Finalement accepter de mettre de la science dans la religion, c’est automatiquement replacer Dieu au départ ontologique du monde, dont l’humain est séparé par une éternité. C’est implicitement émanciper Dieu de ses Écritures terrestres et lui redonner son plein mystère, débarrassé de nos désirs trop humains.

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