Il n’existe pas d’ontologie formelle

L’ontologie des termes eux-mêmes est-elle juste?

Les philosophes ont défini les termes ‘ontologie’ et ‘téléologie’ avant l’essor du structuralisme. C’est-à-dire qu’ils ont dénommé des aspects fondamentaux de la réalité sans théorie générale à son sujet. Est-ce raisonnable ? Peut-on conserver les significations originelles de ces termes quand une théorie générale les requalifie ?

Quine a défini l’ontologie comme l’étude de ‘ce qui est’. De toute chose donc, par l’angle ‘comment existe-t-elle?’. Ontologie dite matérielle. Brentano a défini une autre approche, étude de ‘la forme de ce qui est’. Dans quoi réside l’identité d’une chose ? Quelles sont les propriétés et les lois qui en font ce qu’elle est ? Ontologie dite formelle.

La forme n’existe que pour l’observateur

Je soutiens que c’est une erreur d’avoir appelé ‘ontologie’ cette seconde approche. Il s’agit en réalité d’une téléologie, c’est-à-dire d’une manifestation de nos manières de connaître. Il n’y a pas d’ontologie formelle sans un observateur. Ainsi cette approche est-elle entièrement liée à la manière de regarder chez l’observateur.

Considérons la réalité comme un tout incommensurable mais structuré. Il existe bien une structure ontologique pour chaque chose en son sein. C’est l’ontologie matérielle, éprouvée par chaque chose, résultat de son organisation. Cette expérience est un effet ascendant dans la dimension complexe : “je m’éprouve ainsi parce que je suis” —je suis ce qui me constitue dans la réalité.

Ontologiquement nous agissons sans forme pour agir

La forme, elle, n’est pas un effet ascendant mais au contraire descendant dans la dimension complexe. Je ne peux reconnaître une forme identique à la mienne qu’avec une connaissance de cette forme. Ce n’est pas ma constitution qui me donne cette connaissance mais des concepts qui la représentent. Les concepts forment un observateur indépendant de la constitution. Une grande variété de concepts contradictoires sont tous constitués des mêmes réseaux neuraux. L’indépendance entre les deux est manifeste.

La forme est bien téléologique. Avant sa représentation elle n’est que structure, et une chose ne connaît pas sa structure, elle ne fait que l’éprouver. Elle n’a aucun besoin de connaissance pour entrer en relation avec les choses qui lui ressemblent. Son ontologie matérielle, son être constitué, s’en charge. Nous n’avons pas besoin de réfléchir sur la forme de notre action pour agir.

Le très fondamental est difficile à corriger

Les termes ‘ontologie’ et ‘téléologie’ sont employés dans la philosophie structuraliste contemporaine avec leurs sens originels, devenus faussés. Ils devraient être abandonnés au profit des termes ‘ascendant’ et ‘descendant’ dans la structure complexe de la réalité. Ils symbolisent les directions de la constitution et de l’interprétation des choses. C’est le choix qui a motivé le principe du double regard et plus généralement la méthode philosophique universelle UniPhiM.

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Sur la frontière entre ontologie matérielle et ontologie formelle, Achille C Varzi traduit par Nicolas Liabeuf, 2011
On the Boundary between Material and Formal Ontology, Achille C Varzi, 2010

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