Le féminisme clairvoyant

Abstract: Le féminisme militant pâtit de plusieurs problèmes : 1) Définition floue du féminin, perdue plutôt que précisée par le sexe, le genre; je montre qu’elle est mieux retrouvée dans un trait de tempérament. 2) Effondrement du collectivisme soutenu jusque là par les femmes et non repris en charge par les hommes. 3) Débâcle de l’hétérosexualité qui est un binôme complémentaire et non une amitié masculine. 4) Agressivité dont le féminisme n’a pas les moyens dans un monde encore fortement géré par des instincts bruts. Le militantisme présente les femmes comme des hommes rivaux au lieu de citoyennes égales. Gardons la complémentarité femme/homme sans faire du sexe une prédistribution des rôles.

Un monde identitaire s’éloigne toujours du vrai

Le féminisme a clairement fondé aujourd’hui une obsession identitaire, c’est-à-dire que certaines militantes existent moins par la grande variété de leurs talents que par le fait d’être femme, et ce statut est jugé dévalorisant dans une société qui ne reconnaîtrait pas encore entièrement la parité femme/homme. C’est d’ailleurs l’objet d’un premier paradoxe dans le féminisme. Les militantes tendent à atténuer les contrastes des sexes génétiques et critiquer ceux des genres culturels, mais elles continuent à fonder leur identité sur le fait d’être femme. Alors, différente ou pas ?

Clairement les féministes voudraient gommer certaines différences liées au sexe et en conserver d’autres. Mais comment réussir quand ces différences ne sont pas étanches entre elles ? Par exemple il faudrait oublier les écarts statistiques des performances physiques mais se rappeler les physiologies différentes pour les traitements médicaux. Il faudrait penser que les psychismes sont semblables mais oublier qu’il est facile à un algorithme de dire le sexe d’une personne sur son IRM cérébrale.

Se servir correctement des statistiques

L’idéal téléologique, notre volonté qui veut tenir le monde dans sa main, se sert de catégories. Il se heurte à la constitution ontologique, les mécanismes du monde, dépourvus de volonté et de classifications, mais qui montrent des régularités statistiques. L’esprit catégorise ou décatégorise mais nos gènes n’en ont cure. Il serait ainsi stupide de dire que les femmes sont plus ou moins douées pour certaines tâches. Cette généralité n’a aucun sens. Mais il est exact de dire que chaque femme a plus de chances d’être au-dessus ou au-dessous de la moyenne, selon la tâche.

Comment échapper à la généralité ? Par des évaluations individuelles. Cela n’oblitère pas la régularité statistique, que la compétence féminine soit supérieure ou inférieure à la moyenne selon les tâches. Alors si les évaluations fondent sincèrement l’attribution des postes et des salaires, nous devrions avoir des femmes plus nombreuses et mieux payées dans certains jobs, rares et moins payées dans d’autres. Les féministes ont raison de dénoncer l’inégalité globale des salaires, tandis que des inégalités dans certains jobs sont justifiées.

La discrimination positive exclue plus qu’elle inclue

Être femme n’est pas en soi une raison de réclamer une égalité de salaire. Procéder ainsi relève de la discrimination positive, c’est-à-dire fragilise la prétention égalitaire. La manière juste est de réclamer salaire identique pour une même évaluation de compétence. Peut-être les IAs permettront-elles des analyses affranchies des poncifs culturels ? Au prix d’une déshumanisation des entreprises ?

La discrimination positive est infantilisante. Celle qui en profite est regardée comme le pire des apprentis, celui qui met ses prétentions avant ses réalisations. Par définition la discrimination exclue les gens du jeu social. C’est une évidence quand elle est négative, mais la positive ne collectivise pas davantage.

Changer un tempérament, une gageure

L’idéaliste ne peut penser sans catégories. Il lui faut des sexes, des genres, des cultures. Il trace à grands traits sa politique fondée sur un principe inamovible : l’idéal social. En matière de féminisme, c’est l’égalité femme/homme. Mais comment réaliser ces idéaux et principes quand ils n’ont aucune existence ontologique ? La Nature s’en fout. Or elle est au coeur de chacun de nos comportements, souvent bien cachée dans l’inconscient. Notre conscience est aveugle quand elle se pense au contrôle de son destin. Au mieux elle rétro-contrôle. Changer un tempérament masculin ou féminin ? Cela fait paraître facile, en comparaison, l’arrêt du tabac ou la correction d’un surpoids.

C’est pourtant ce que réclame, abruptement, le discours féministe : Changez votre tempérament masculin ou féminin ! Féminin aussi ? Oui, quand il est trop docile, apathique, moutonnier face à la domination masculine. Le féminisme est paradoxalement en guerre aussi avec le féminin, puisqu’il participe à la différence, qu’il est un obstacle à l’égalité.

Une approche originale sur le féminin

Et si nous redéfinissions le féminin et le masculin ? Le paradoxe ne tient-il pas au fait que personne ne s’accorde sur le champ de ces concepts ? Génétique, traits psychologiques, genre culturel… c’est quoi finalement l’être féminin et l’être masculin ? Comment les définir d’une manière vraiment universelle ?

J’ai proposé une approche originale, fondée sur un principe omniprésent dans la réalité tant physique que psychologique et sociale : le principe individuation/appartenance, ou principe TD (soliTaire vs SoliDaire). Appliqué à notre psychisme le soliTaire devient la tendance masculine, le désir d’individuation ; et le soliDaire devient la tendance féminine, le désir de partage. Avantage déterminant de cette approche : elle nous fait posséder à tous un côté masculin et féminin, ce qui met fin au caractère absolu du sexe comme du genre. Finies les catégories des idéalistes, place au flou ontologique, qui se moque des frontières.

Sans dénigrement de la nature

Néanmoins l’ontologie de notre physiologie a ses impératifs. Cela n’empêche pas certains individus de finir en plein milieu d’une catégorie, parfaits exemples de femmes et d’hommes classiques. L’idéal égalitaire ne doit pas être la négation de ces personnes, à l’évidence fortement sexuées et parfaitement en droit de l’être.

Vous comprenez aisément pourquoi j’ai aligné le masculin sur l’individualisme et le féminin sur le collectivisme. La Nature ayant sélectionné la femme pour engendrer et materner la progéniture, il fallait lui adjoindre un tempérament préférentiellement soliDaire, tandis que l’homme, fugace donneur de sperme, bénéficierait lui des avantages du soliTaire. L’évolution n’est pas une volonté mais une organisation spontanée.

Féminin et masculin indissociables

Cependant le propre d’un trait de tempérament est d’avoir deux pôles, l’un ne pouvant exister sans l’autre. C’est exactement le cas du réglage féminin/masculin. Chacun d’entre nous dispose de ces deux pôles, jamais exprimés dans le même équilibre. Pour des raisons génétiques, les femmes sont préférentiellement soliDaires et les hommes soliTaires, mais de nombreux individus ont un réglage TD inversé. Il existe des hommes +féminins et des femmes +masculines, ou avec ma nouvelle terminologie moins stigmatisante : des hommes +collectivistes (D) et des femmes +individualistes (T).

Notez que ce réglage TD domine la formation des couples, indépendamment du sexe génétique ! Les couples tant hétéro qu’homosexuels associent volontiers féminin marqué et masculin marqué. Le trait de tempérament fort fascine celui qui le possède à moindre degré. Il ne s’agit pas de rivalité mais de complémentarité. La rivalité touche au contraire ceux qui ont le même réglage TD, couples souvent moins stables.

D’autres exemples à suivre

Cet exemple et d’autres qui suivront montrent l’importance du principe TD, dont j’ai dérivé mes féminin et masculin. J’espère vous avoir convaincu pour entamer la suite : un éclairage innovant sur nos troubles sociaux contemporains. Le féminisme militant n’est pas étranger à ces symptômes, mais les a déclenchés en toute innocence. Il a cru identifier l’injustice faite aux femmes dans l’inégalité de genre culturel. C’est manquer de profondeur sur l’intimité de notre esprit. Entre la génétique et le genre il y a un psychisme individuel. Et cet océan mental utilise les concepts de sexe et de genre à sa manière.

Le déplacement global vers l’individualisme

La juste cause féministe est de permettre aux femmes d’exercer leurs droits individuels comme les hommes. Malheureusement un principe n’a pas été pris en compte : l’individualisme est intimement lié au collectivisme, comme les pôles de tout tempérament. Les décisions qui favorisent l’un défavorisent l’autre. Le transfert massif du réglage TD vers le soliTaire, chez les femmes, a eu comme effet secondaire un effondrement du collectivisme social, dont elles étaient les principales représentantes.

Pour éviter ce désastre il aurait fallu que les hommes entreprennent un transfert aussi conséquent de leur réglage TD vers le soliDaire. Certains l’ont fait mais restent peu nombreux. A-t-on déjà conscience du problème ? Ensuite, parvenir à lutter contre un tempérament sexué est encore plus difficile que corriger une boulimie ou l’allumage compulsif de la clope.

Moins de gène à quitter le collectivisme

Pourquoi les femmes n’ont-elles pas éprouvé ce genre de difficulté pour lutter contre leur tendance soliDaire, si de même elle est fortement génétique ? Deux réponses :

1) Le féminisme militant ne prend racine que chez une partie des femmes, déclenche un malaise chez d’autres. On peut supposer que les premières sont les plus masculines. Toutes restent bien sous l’influence de leur tempérament.

2) La société contemporaine fait la promotion constante de l’individu, le valorise à l’envie. L’occidental n’existe plus sans un T préférentiel. La soliDarité est devenue l’affaire des institutions et non plus des individus. Il est très facile de satisfaire sa tendance soliDaire en disant « Je participe par mon travail personnel à l’effort collectif », ce qui dispense de juger si le ratio est vraiment favorable au collectif plutôt qu’à soi. L’écran des institutions est pratique.

Or ces institutions sont fragiles et pire, vivement critiquées. Si elles s’effondrent nous découvrirons la véritable soliDarité résiduelle entre nous, et elle sera certainement anémique, se rétrécira au cercle familial. Nous ne coopérerons plus que pour des bénéfices immédiats, et sans doute nos handicapés seront-ils encore moins protégés que chez nos aïeux cavernicoles. Les films d’anticipation en font leurs choux gras et c’est aussi mon diagnostic après 40 ans passés à écouter les désirs et plaintes de mes contemporains.

La fin du couple hétéro

Autre effet secondaire du féminisme : la débâcle des couples hétérosexuels. Ils sont de moins en moins nombreux à durer, mais désormais aussi à se former. Ils prennent la forme d’associations de circonstances, sexuelles, fiscales, artistiques, etc… Il s’agit d’amitiés avec possibilité d’échanges sexuels consentis, de regroupement des moyens pour vivre convenablement. L’amour n’est plus là, l’amour en tant que pulsion qui dévore l’ego et le laisse palpitant dans l’attente de l’attention de l’autre.

Car l’amour est un sentiment soliDaire par essence. Je ne parle pas du faux amour, celui qui s’approprie l’autre, celui qui dans “Je t’aime” signifie en fait “Tu m’appartiens”. Je parle de l’amour authentique, celui qui autorise quasiment tout à la compagne quand c’est un véritable bonheur qu’elle en tire, parce que je m’identifie soliDairement à elle, que son plaisir est le mien.

Relations de soliTaires

L’amour trouve sa satisfaction dans le “Troisième”, ce tout constitué des parts soliDaires des compagnons et qui n’appartient pas plus à l’un qu’à l’autre, même quand l’un des deux y met davantage du sien que l’autre. C’est presque toujours le cas, en fait, puisque nous avons signalé plus haut le contraste marqué du réglage TD observé en général dans les couples.

Mais le Troisième est en déclin partout. Deux parts soliDaires chétives font un Troisième famélique, peu importe le sexe des compagnons. Les couples sont devenus des associations de soliTaires. Que du masculin dans la relation ! La femme devenue masculine cherche du féminin dans son partenaire mais le trouve rarement. Elle ne reste pas. L’homme toujours masculin ne trouve plus aucun féminin dans ses partenaires, à part les formes. Il ne s’engage pas. L’hétérosexuel contemporain a l’impression terrifiante d’avoir basculé dans l’homosexualité dans ses rencontres d’un soir avec le sexe opposé…

La passion d’être autre

Pour conclure ce long article, j’affirme que les femmes et les hommes doivent se présenter l’un à l’autre non pas comme des égaux mais au contraire comme des êtres sexués, donc inégaux, sans que ces inégalités soient contingentées uniquement par la génétique.

Les pulsions du sexe génétique sont incontournables, et dénigrer leur existence crée immanquablement des névroses. Certaines traitent leur corps comme un jouet, d’autres le font avec leur esprit. Une fois acceptée la réalité de nos tendances soliTaire et soliDaire, il devient possible de fonder par dessus notre identité pleine et entière. Efflorescence unique parmi une grande diversité. Et donc, grande inégalité.

Notre inégalitarisme est ce qui attire le sentiment soliDaire chez les autres. Il n’y a pas de solidarité entre deux semblables ; cela c’est de l’égotisme déplacé. Au final c’est bien l’inégalité, au moins s’en réclamer, qui fonde et soude les couples, en exacerbant la soliDarité chez les compagnons. L’amour profond est celui de la différence. La passion d’être autre.

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Pour montrer l’universalité du principe T masculin D féminin, je mettrai progressivement des situations en commentaire. N’hésitez pas à les commenter vous-même ou à proposer d’autres situations qui confirment, ou infirment, le principe.

3 réflexions au sujet de “Le féminisme clairvoyant”

  1. Commençons par l’actualité calédonienne de ce mois de mai 2024. L’insurrection kanak a provoqué d’immenses dégâts dans Nouméa. Sur les barricades, les mélanésiennes T-dominant s’agitent et rient aux éclats en pointant les colonnes de fumée et les bâtiments détruits. Les pillages les ont ravitaillées. Plus loin les mélanésiennes D-dominant restent dans l’ombre ou chez elles, se désolant pour les malheureux que ce désastre va plonger encore plus dans la précarité.

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  2. En préparant et montant les barricades, les individus à dominance T ont une dépense physique importante. Ils fabriquent des vagues déferlantes d’hormones, ce qui accentue encore chez eux force et agressivité. Ceux à dominance D, terrés à domicile, accentuent au contraire leur passivité par l’inaction corporelle. Le métabolisme exacerbe ainsi les tendances. Il stimule exponentiellement l’agitation du T tandis qu’il s’économise pour favoriser la méditation du D.

    Ce constat ne s’applique-t-il pas à tous les militants, dont les féministes ? Celles qui montent au créneau ont déjà les egos les plus exacerbés, mais accentuent encore l’aspect T masculin de leur caractère par l’hyperactivité physique. Réalisons-nous à quel point nous sommes manipulés par nos propres rouages ? Certainement l’espèce humaine profite-t-elle de ces contrastes, tandis que les individus y perdent leur équilibre.

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