Notre somme…

Nous sommes… nos oeuvres

Les petites oeuvres sont importantes. Puis elles deviennent des automatismes répétitifs qui envahissent l’esprit et le ligotent. L’élan vital le fait s’enfuir vers d’autres horizons et d’autres petites oeuvres. Un crépuscule mental descend finalement chez les personnes vieillissantes. Et si les petites oeuvres confluaient sur une plus grande ? Et si les plus grandes formaient une vie… une Oeuvre ?

Entouré de tant d’objets bruts, de bipèdes pas finis, et de mottes de terre, il est toujours temps de travailler à devenir intemporel.

Nous sommes… le niveau de réalité que nous affectionnons représenter

Le physicien vit dans l’infiniment petit, qui parle un langage mathématique. Il aimerait étendre ses équations aux affaires humaines. Le théiste vit dans une réalité humaniste, qui parle un langage de destinées. Il aimerait étendre ses mysticismes aux affaires matérielles. Sont-ils alors si différents, ces deux-là ? Intentions contradictoires mais jumeaux d’intention…

Être pleinement humain est échapper à son niveau de réalité favori.

Nous sommes… du contraste

Le contraste alimente notre esprit. Son manifeste est l’envie de changer de vie. Désir exhibé ou dissimulé, raison d’exister ou fantasme honteux, encadrant un bataillon d’idées indécises. Que serait une autre vie ?

Autre vie débouche sur autre Moi. Le futur « Je » me félicitera-t-il ou me détestera-t-il ? Vouloir changer est s’apprécier peu ou avoir fait du changement son moteur identitaire. Vouloir rester est s’apprécier beaucoup ou anticiper un avenir si piteux que le moindre mouvement est interdit. Quelle proposition est la bonne ? Les deux, ou aucune, selon que l’image du Soi est réaliste ou fantaisiste.

L’émotion veut le changement, la raison doit-elle suivre ? C’est peut-être dans l’exposition au hasard que s’est réfugiée, cachectique, l’idée de libre-arbitre. D’autre part, notre esprit est structuré pour le contraste ; c’est en l’affrontant qu’il produit son maximum d’agilité. L’esprit sportif saute de case en case sur un damier noir et blanc, ne sachant que faire du gris.

La vie est une dynamique, le Moi, né eggo, est devenu dynamo.

Nous ne sommes plus… nos objets.

Aujourd’hui le désir de posséder un objet est remplacé par celui d’accéder à sa fonction. Il n’est plus nécessaire de patienter, d’économiser. Un prix acceptable avec accès immédiat est préféré à l’attente du coûteux objet de qualité. A peine obsolètes, les objets sont jetés et remplacés sans remord. Effacés derrière leur fonction, ils ne méritent pas réparation.

La charge identitaire des objets est en baisse constante. Ils ne sont plus dépositaires d’anticipations, du désir tenu en haleine. Ils sont prestataires de services. Le forfait prime sur l’objet. Le software gomme l’importance du hardware, qui s’uniformise.

L’identité se dématérialise. C’est en donnant congé à nos fétiches matériels que nous sommes devenus plus virtuels.

Nous sommes… notre spectacle

Ce qui différencie profondément l’ancien et le moderne, en termes d’identité, est que l’ancien se voyait rarement proposer des spectacles. Ce qui l’obligeait à monter le sien. Une vie, un drame, une aventure, des joies fugaces mais intenses : un spectacle personnel.

Une Grande Inversion a retourné le moderne. Désormais inondé de spectacles bien plus nombreux que ses instants de vie, son identité est une collection de mimétismes des plus pressants d’entre eux.

Nous sommes… toujours un

Un et un seul. Au milieu de huit ou de huit milliards, c’est toujours un. Malgré toutes les tentatives de ciblage, dépravation, égorgement, aspiration, le un est toujours maître en son identité.

Propriétaire de son Oeuvre. Mousse sur sa barque, chevauchant le fleuve d’information. Virant de bord si le courant s’inverse, quand il lui plaît. Ou retournant son champ en jurant vers le ciel, quand il ne lui plaît pas. Mimétique, et entièrement singulière dans son résultat, l’existence humaine est une addition dont personne ne connaît la longueur, et nous seuls le résultat, jamais achevé.

« J’avais tous les vertiges d’un bateau dans mon propre intérieur. » Céline

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