Pourquoi ne rêvons-nous pas de notre téléphone portable ?

Vedette en éveil, absent du sommeil

Pourquoi le smartphone, vedette de nos journées laborieuses, ne l’est-il pas la nuit ? Sur plus de 16.000 rapports de rêve, le smartphone n’est signalé que dans 3% d’entre eux et souvent en rapport avec autre chose, par exemple l’appel d’un être cher. Alice Robb, autrice de ‘Pourquoi nous rêvons- La puissance transformatrice de nos péripéties nocturnes’ croit que les rêves sont un mécanisme de défense. Ils seraient un moyen de travailler sur nos angoisses dans la sécurité du sommeil et nous entraîner à affronter le stress de la vie réelle. Le smartphone étant un objet rassurant et maîtrisé, il n’a rien à faire dans les rêves.

Elliot Mawas dans Philomag n’est pas convaincu et signale à juste titre que le smartphone n’est pas un objet comme les autres. Il s’efface devant les faits auxquels il nous relie. Il n’a pas valeur de récit en lui-même.

La psychanalyste Sophie Mendelsohn pense de son côté que le smartphone nous relie à une virtualité et non une spatialité. Or c’est la spatialité qui est très présente dans les rêves. Ils piochent dans les évènements tangibles du quotidien, pas les virtuels.

Ne nous égarons pas

Puis Elliot Mawas reprend une autre piste, celle de l’objet transitionnel, concept forgé par le psychanalyste anglais Donald W. Winnicott. Ces objets seraient des succédanés de maman ou de doudou, expliquant la détresse de ne plus les avoir à portée immédiate. Ils seraient alors vecteurs d’une thérapie diurne et non nocturne. Explication sévèrement tirée par les cheveux. On attendrait au contraire une plus grande célébrité nocturne d’une présence tellement vive dans la journée.

Notons que si le smartphone n’est pas présent dans les rêves, des jeux addictifs qui nous scotchent sur lui le sont volontiers, eux. Exit alors l’objet transitionnel ainsi que l’excès de virtualité : les jeux sont le prototype du monde virtuel.

L’influence du virtuel est attestée indirectement par l’arrivée de la télévision au XXè siècle. Les rêveurs se sont mis à rêver en noir et blanc, puis en couleur après l’invention de la TV couleur. Dans la Pologne communiste, où la couleur est arrivée plus tard, les gens ont continué plus longtemps à rêver en noir et blanc.

Et l’enquête conclue…

La meilleure hypothèse, finalement, est la seconde de cette liste. Le smartphone n’est qu’un outil de perception supplémentaire. Il ne fabrique aucun récit par lui-même. Nos rêves s’intéressent aux histoires parce que ce sont les centres analytiques et prédictifs qui les génèrent. Ces étages du psychisme se moquent de nos organes, des membres et des sens. Nous ne rêvons pas plus du smartphone que de nos bras, yeux ou oreilles. Ils ne sont pas le monde mais les instruments transparents qui le présentent. Aucune nouveauté à chercher dans leur fonctionnement. Tandis que leurs productions, au contraire, sont sans cesse renouvelées. C’est d’elles que le rêveur, ce scénariste déjanté, tire ses inspirations.

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Pourquoi ne rêvons-nous pas de notre téléphone portable ?, Philomag
Why Don’t We Dream About Our Smartphones?, The Cut
Why We Dream: The Transformative Power of Our Nightly Journey, Alice Robb

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