Que valent les revues des théories de la conscience?

Au-delà des apparences

À la lecture d’une nouvelle enquête sur les théories de la conscience, d’un point de vue computationnel, je reste stupéfait par le nombre d’a priori qui, sans en avoir l’air, se cachent au milieu du texte. Ce genre de travail s’efforce pourtant, avec minutie, de se débarrasser des postulats et des ambivalences dans les termes. Il prend soin bien sûr de préciser les différents sens de conscience et des notions apparentées, intelligence, libre-arbitre, étend la perspective en cherchant dans la mécanique quantique les germes éventuels de la conscience. Il fait la part belle à la théorie de l’information intégrée (TII), la plus computationnelle des théories en lice, mais n’oublie pas d’étudier toutes les concurrentes, et s’intéresse aux applications dans l’intelligence artificielle. N’est-ce pas un travail complet dans tous les aspects du sujet ?

En apparence. Comme les autres revues du même type, on y parle d’émergence à chaque page. On y trouve moult schémas de superposition et d’englobements, des processus à l’auto-observation, des agents computationnels indifférenciés à l’agent conscient supérieur. Toutes ces références font allusion au même sujet : la complexité. Sujet qui n’est jamais évoqué.

Du point de vue divin

L’émergence est-elle un mécanisme physique reconnu, identifié, expliqué ? Absolument pas. Ni en science, ni même en philosophie. Chaque discipline traite la complexité à sa manière. Il est donc plutôt surprenant de la voir utilisée dans des théories générales parcourant les sciences physiques autant qu’humaines, comme s’il s’agissait d’un mécanisme transcendantal bien connu.

Ce n’est pas le seul défaut caché de ce genre d’enquête. La conscience est examinée du “point de vue divin”, comme si l’enquêteur s’était évadé de la réalité et lisait les papiers sur la conscience d’un autre univers, avec une intelligence complètement indépendante de celle du cerveau humain, à même de prononcer une opinion objective. Non. L’enquête est circulaire. Une logique se juge d’après ses propres axiomes. Le minimum, lors d’un tel travail, est de choisir deux points de vue différents, assez étrangers l’un à l’autre pour qu’ils jettent un regard contradictoire, cerner ainsi un peu mieux l’affaire.

Enfermement académique

Mais non. En s’efforçant de coller d’au plus près les préceptes scientifiques —qui sont une création de cette conscience étudiée— les auteurs abandonnent toute chance de quitter le point de vue divin et de s’intégrer eux-mêmes à leur sujet, seul choix véritablement moniste, et honnête au plan épistémologique.

Ni Stratium ni Surimposium ne sont cités, bien sûr. Ouvrages trop confidentiels. Ce qui débouche sur un triste verdict : l’académisme enferme la pensée, et la conscience, entre les barreaux de ses a priori dissimulés, au lieu d’aider nos esprits à leur échapper.

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Survey of Consciousness Theory from Computational Perspective, Ding Zihan, Wei Xiaoxi, Xu Yidan, 10.48550/arXiv.2309.10063

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