Du féminisme universel au wokisme sectaire

Féminisme: apprendre à se passer du symbolique

Dans la lutte féministe, la discrimination positive a un rôle symbolique. Rôle essentiel au début. Il intervient dans une société figée dans sa glu socio-culturelle. Homme et femme y ont une place prédéterminée. Les consciences éveillées alertent les autres pour qu’elles rétro-contrôlent progressivement leurs habitudes. Elles n’y parviendront jamais complètement dans la génération actuelle. Parce que ces habitudes sont le socle de l’assurance chez une majorité de gens, femmes comprises.

Toucher à des fondations aussi profondes menace tout l’équilibre de la personnalité. Il ne s’agit pas simplement de changer de marque de lessive, ou d’accepter que son candidat politique préféré ait échoué. Le déterminisme du sexe s’est installé dans la plus petite enfance, a construit des rouages inconscients inaccessibles à la personnalité adulte.

Facile pour la féministe intellectuelle d’exhorter les autres à changer. Sans notion de profondeur complexe du cerveau, elle peut croire qu’il est plus facile de contrôler un instinct primaire que construire un concept supérieur égalitariste. C’est le contraire ! La féministe n’a pas d’effort à fournir sur ses propres fondations. Elle s’abandonne au contraire à son agressivité, pour une cause qu’elle estime ‘juste’, prise dans un tourbillon éthique ascendant, irrésistible !

Cibler les jeunes, pas les vieux libidineux du musée machiste

Quelle population prioritaire cibler pour changer les mentalités ? Les jeunes, bien sûr. Le symbolisme sert à mobiliser les grandes structures sociales, en premier lieu l’éducation. Les parents sont vieux jeu ? Les enfants ne sont pas constamment avec eux. Découvrent le débat à l’école. Quand les travers masculins sont expliqués plutôt que diabolisés, le résultat s’inscrit sans heurts, comme étant la nature des choses. Cette génération sera intrinsèquement égalitariste, sans nécessité d’armer un symbole.

Perspective trop lointaine pour les militantes. Qui radicalisent leur action. Qui réveillent un wokisme masculin agressif concurrent du leur. Surenchère. Au coeur de la discorde ? La discrimination positive n’est pas destinée à s’éterniser. Elle finit en effet par conforter une image inférieure de la femme, trop fragile pour se débrouiller. Alimente une nouvelle misogynie.

Le syndrome ‘émir du pétrole’

C’est pourtant ce qui survient aujourd’hui. La discrimination positive est en passe de s’intégrer au mode de vie. Se grave dans le marbre, par le biais de lois spécifiques. Envoie désormais un message contradictoire à son objectif initial. Le désuet “un homme a des droits supérieurs” voit ‘homme’ remplacé par ‘femme’. Au lieu d’être jeté à la poubelle.

Le signal donné aux jeunes femmes n’est pas “Vos chances sont les mêmes”, mais “Vous êtes une femme, personne ne doit entraver votre chemin”. C’est le syndrome Émir du pétrole qui pervertit actuellement le féminisme. Parce que je suis née femme, j’ai droit à une considération particulière.

Le syndrome ‘dette coloniale’

Deuxième psychose du féminisme militant : le syndrome Dette coloniale. Le territoire féminin ayant été colonisé par l’homme depuis quelques millénaires, la gent masculine dans son ensemble est désormais porteuse d’un débit qu’il faudra des générations pour rembourser. Un garçon naît avec son arriéré inscrit dans ses gènes. Pourtant la société s’est déjà radicalement transformée.

Hésitante à vous en convaincre ? Revoyez n’importe film du siècle passé. Jusqu’aux années 80, l’image de la femme qu’ils véhiculent semble hallucinante aujourd’hui. Pourtant, les hommes continuent à payer pour leurs aînés. La justice les écoute avec une méfiance exacerbée, prête une oreille bienveillante aux femmes. Les violences physiques ont un poids justifié mais les psychologiques n’en ont pas. Hommes fautifs pour les premières, femmes pour les secondes.

Le tribunal, il est vrai, est le dernier endroit où le symbolisme finit par pâlir. Une réclamation n’y est jamais traitée dans le présent mais dans le passé. Passé qui a longtemps profité abusivement aux hommes. Qui profite aujourd’hui indûment aux femmes.

Entrave à l’universalisme

Ne voyez pas dans cette diatribe un quelconque esprit revanchard. Au contraire le pragmatique en moi s’inquiète du défaut d’intégration des valeurs féministes. S’il devient wokisme sectaire, le féminisme perd toute chance de se fondre dans nos principes universels. Sa guerre deviendra perpétuelle, clan de machos féminins en conflit avec les masculins.

Pour vous en convaincre, regardez le succès d’un Zemmour, misogyne convaincu, en 2022. Ses détracteurs le renforcent parce qu’ils l’éreintent d’une manière sommaire. Même un psychologue éclairé tel que Nicolas Gauvrit écrit des bêtises, en reprenant un discours féministe rudimentaire. Zemmour justifie les pulsions masculines en les déclarant ‘naturelles’. Provocateur il écrit : « Avant le féminisme, un jeune chauffeur de bus [pouvait] glisser une main concupiscente sur un charmant fessier féminin [sans que] la jeune femme porte plainte pour harcèlement sexuel ».

Quelle contre-agression?

Harcèlement ? Ou plutôt agression du point de vue de la jeune femme. Pas pour le jeune chauffeur. Désaccord entre les deux, conflit inévitable. Nécessaire. La jeune femme répond par une contre-agression : la plainte. Est-elle du même ordre ? Non. Elle quémande le soutien du collectif au lieu de sa force personnelle. À ce stade, à ce niveau de banalité, c’est disproportionné. Une bonne claque suivie d’une engueulade vigoureuse est la réaction adaptée. « Je suis aussi maître et libre de mes actes individuels que toi ! ». Tandis que la plainte vaut acceptation du statut de victime. Nous sommes loin de la position égalitaire et cela entretient le poncif de la faiblesse féminine.

À l’évidence, la jeune femme prend des risques si elle réagit physiquement. Chaque contexte mérite pondération. Dans celui décrit par Zemmour, le chauffeur remis à sa place n’aurait pas récidivé. C’est ainsi que les jeunes hommes éduquaient auparavant leur agressivité naturelle. Mais si l’agresseur tabasse la femme parce qu’elle refuse de se laisser faire ? Halte là !! La transgression est avérée. Appel au collectif pleinement justifié. S’il n’est pas déjà intervenu à travers les autres passagers bondissant au secours de la jeune femme.

Là encore, la justice est incompétente

La punition, quand la limite est franchie, n’a jamais la sévérité nécessaire. Juges zemmouristes ? Plutôt fonctionnaires, anesthésiés par la multitude des incivilités. Ils renforcent le sentiment d’impunité, chez les hommes, laissant croire que l’escalade du conflit ne conduit pas à une escalade pire de la sanction. Clairement les juges n’aident pas les femmes à réagir comme elles le devraient. C’est-à-dire gérer seules les petits conflits. Parce que les hommes sauraient les ennuis majeurs qui les guettent en cas de dérive grave.

Mais j’ai dit précédemment que les hommes font l’objet d’une méfiance manifestement exacerbée. Alors la justice, trop sévère ou pas assez ?

L’exemple du bus est très différent d’un couple qui se déchire, aux torts partagés. La main aux fesses d’une inconnue est une insulte à l’image générale de la femme. Toute personne présente est concernée. Dans une société normale, le chauffeur qui poursuit son agression après une claque méritée devrait se faire tabasser par tous les passagers. Plus efficace que la justice et moins de travail pour elle… quand on a compris qu’elle est l’affaire de chacun.

Le féminisme n’est pas fait que de mobilisation collective. Il s’ancre dans la conviction individuelle qu’une femme a le même pouvoir qu’un homme, et donc exercer ce pouvoir dans les mêmes circonstances qu’un homme. Ce qui veut dire réagir personnellement, contrer l’agression.

Au-delà de la diabolisation

Zemmour n’écrit pas explicitement que le ‘naturel’ autorise l’homme à s’y abandonner. Ce sont Daussy et Gauvrit, ses contempteurs, qui le lui font dire. Mais nous pouvons supposer effectivement que beaucoup de jeunes hommes vont le comprendre ainsi. Pourquoi sont-ils séduits par un discours aussi réducteur ? Peut-on les croire flattés d’être comparés à des singes indisciplinés ?

La concurrence à 2 vitesses

Le prêche de Zemmour ne peut s’ancrer que dans un wokisme masculin couvant, allumé par les excès du féminisme. Sans le vouloir, Daussy et Gauvrit participent à créer de nouveaux symboles pour le machisme et l’exhumer de ses cendres. Ces jeunes hommes s’éprouvent en situation d’injustice. La société n’a pas déclaré que l’agressivité était en soi un défaut rédhibitoire. Au contraire elle l’encourage dans la compétition sociale. Les hommes se concurrencent. Les perdants acceptent leur situation quand ils ont pu participer au match. Mais la discrimination positive change la donne. Il y a désormais des passes-droit féminins. Rancoeur inévitable contre une culture qui lance des messages contradictoires.

La vie, pépinière de conflits, expose perpétuellement aux blessures. Être femme n’est pas une maladie. Pourquoi un baume spécifique à cet état ? Les scandinaves, auteurs d’une intégration des sexes réussie, n’en ont pas besoin. Ils n’ont jamais, en fait, recouru à la discrimination positive. À méditer.

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Zemmour, champion du sophisme naturaliste, Cerveau & Psycho n°141, mars 2022
Zemmour, misogyne et fier de l’être

Synthèse SEXE et GENRE

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