Avez-vous déjà croisé le Collectif?

Cher Collectif

Nous avons tendance à lui accorder une existence matérielle, le doter d’une responsabilité envers nous. Un peu comme Gaïa, la planète-mère. Nous confondons volontiers le Collectif avec le gouvernement, ou l’un de ses ministères, voire avec la sphère imprécise des gens de pouvoir : leur mission serait de faire fonctionner la société correctement grâce à leurs moyens exceptionnels. Non, le Collectif n’est ni une entité matérielle, ni le gouvernement (qui ne fait que le représenter), ni les gens riches et puissants (qui se missionnent pour leurs propres intérêts avant ceux des autres).

Le Collectif n’existe qu’en tant qu’ensemble de ses minuscules fractions présentes dans chacun de nos esprits. Chacun est individu et part de l’humanité, indissolublement. Impossible de se prétendre pur individuation. Même l’ermite le plus isolé impacte l’écosystème. Même le suicidé impacte ses proches. La part collectiviste est la reconnaissance d’appartenir à une société globale. Sans elle, nous n’avons aucun passeport pour y entrer. Rien à lui réclamer non plus. Vous en croyez-vous capable ? Vivez vraiment sans aucune relation matérielle ou virtuelle avec le reste du monde avant d’en parler.

L’existence du parasite

Ainsi, faire vivre le Collectif dans notre esprit n’est pas facultatif. C’est impératif. Celui ou celle qui ne participe pas à son entretien n’est pas ‘individu’ mais parasite. Loin d’être autonome il/elle est une charge pour les autres. Un enfant. Beaucoup de gens aujourd’hui se placent en situation d’enfants à charge, en réclamant l’assistance du Collectif, sans y participer le moins du monde. Ils ont l’impression qu’exister suffit.

L’existence individuelle, les droits égalitaires qu’elle procure, ont été nettement valorisés au cours du dernier siècle. Progrès extraordinaire ! Néanmoins il faut comprendre cette révolution démocratique dans sa complétude : les droits “égalitaires” impliquent une égalité d’effort pour faire vivre le collectif. Les droits ne sont pas que “droit à” mais aussi “devoir”. Comment une entreprise pourrait-elle distribuer des droits si tous ne contribuent pas à la faire tourner ?

Collapsus démocratique

La dérive démocratique contemporaine est de laisser s’élargir une communauté d’anarchistes plus préoccupés d’assistance que d’indépendance. Maman-État doit tout mais on ne lui doit rien. À leur décharge : certains ont des moyens financiers démesurément supérieurs pour remplir leur devoir. Mais en quoi cela dispense-t-il les autres du leur ? Pourquoi certains seraient-ils exonérés, ce qui les placent de fait hors des échanges sociaux et remet leurs droits en question ?

Si le Collectif n’est que l’ensemble de toutes ses parcelles dans nos esprits, chaque esprit qui cesse de l’héberger l’affaiblit. Aujourd’hui sa maigreur est évidente. Peu importe le gouvernement élu, la faiblesse de son pouvoir est manifeste. Il représente l’autorité d’un Collectif… en état de collapsus. Nous réclamons une politique efficace alors que nous lui avons ôté le principe qu’elle puisse agir. Le marasme du Collectif vient du fait que la plupart d’entre nous ont cessé de le nourrir.

Le faire renaître consiste, pour chacun, à se poser une question simple : « Que fais-je pour les autres aujourd’hui ? ». Je ne vous parle pas de l’autre : « Que me doit-on ? ». Vous la connaissez déjà…

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