Comment sauver l’humain de lui-même?

Human psycho, un super-organisme psychotique

Question à laquelle répond Sébastien Bohler, neurobiologiste, interviewé par Science&Vie et dans son livre ‘Human psycho’. Il voit l’humanité comme un super-organisme malade de son ego surdimensionné. Psychose qu’il faut traiter en arrêtant les discours délirants sur la supériorité humaine, et trouver une vision réaliste du rôle désastreux joué par notre espèce. Bohler appelle à « sonner la révolte des humains contre le super-organisme ».

Certaines idées de Sébastien sont classiques et fort justes, par exemple “apprendre à considérer la Nature non plus comme un outil mais une partenaire”. Malheureusement son discours qui se veut rassembleur va produire l’effet inverse, car il ne comprend pas ce qu’est l’Humanité, la Nature, ni d’une manière générale la notion d’organisme.

Le dossier psychiatrique est le nôtre

Ce sujet passionnant a déjà été traité à propos de Gaïa : est-elle un organisme vivant ou non ? Réponse négative, parce qu’elle n’est pas faite d’information intégrée. Même chose pour l’Humanité, faite d’information échangée entre organismes individuels, ce qui n’en fait pas un organisme intégré. Sébastien situe donc la psychose dans un organisme qui n’existe pas. C’est bien gentil pour nous, qui en sommes les véritables constituants, et devrions être les cibles de son diagnostic. Le dossier psychiatrique est le nôtre.

L’Humanité existe bien, en tant que super-entité et non organisme. Elle n’existe concrètement qu’à travers sa représentation en chacun d’entre nous. Sébastien risque de nous coller une schizophrénie additionnelle en appelant à la “révolte des humains contre l’Humanité”, un conflit intrinsèque à l’esprit et parfaitement irréductible.

Pyramide ou hiérarchie?

Toujours lénifiant envers son lecteur profane, Sébastien veut « repenser l’organisation pyramidale des sociétés et des entreprises ». Il évite soigneusement le terme ‘hiérarchie’. Je détaillerai dans un autre article la différence pyramidal/hiérarchique. Mais il est évident que Sébastien parle de hiérarchie. Comment réussir le sauvetage de l’écosystème sans hiérarchie ? Comment faire si chacun suit son idée à chaque étage de la pyramide ?

Car le wokisme prend aujourd’hui cette allure : “Je m’éveille à ma propre synthèse de la situation plutôt qu’à celle de la majorité des experts”. Le pseudo-pyramidal des réseaux est une collection de baronnies féodales dirigées par des influenceurs, et les hiérarchies s’effondrent sous un massif conspirationnisme anti-experts.

Sébastien Bohler fait comme les autres : il promeut son discours en l’affirmant universel. Tous les petits humains doivent s’y rallier. Ce positivisme asphyxiant crée instantanément sa rébellion réactionnaire. Les humains se scindent. Sébastien a créé une baronnie de plus. L’objectif final s’éloigne.

Révolte de l’égotisme déguisée en collectivisme

Il n’y a pas de super-organisme, seulement des gens aux vies très différentes. Incontournable diversité d’opinions. L’idée de rassembler en redonnant la tyrannie du pouvoir à l’individu est dépourvue de sens. Car c’est bien l’injonction de Sébastien. La « révolte des humains » ne peut cibler un super-organisme qui n’existe pas, mais bien sa hiérarchie représentative, ses dirigeants. Ce n’est qu’un discours anti-système de plus.

Sans notion d’intégration, Sébastien ne comprend pas que la hiérarchie est l’armature fondamentale d’un organisme. Nous n’accordons pas la même importance à nos cellules, nos organes, notre cerveau, nos simples réflexes ou nos pensées idéalistes. Toutes ces entités sont reliées des priorités visant à protéger le sommet : le super-organisme qu’est l’identité humaine individuelle.

La Nature se moque de l’Humanité

C’est aussi l’emplacement de nos egos surdimensionnés. Mais il n’y pas lieu de critiquer le conteneur, comme le fait à tort Sébastien. De sa situation privilégiée vient le pouvoir de nos intentions. Ce n’est pas en l’affaiblissant que nous améliorerons notre destin. Ni en le délégant à la Nature ou à l’Évolution, entités qui n’ont aucune préoccupation particulière envers l’espèce humaine.

Ce n’est pas le conteneur qu’il faut critiquer mais le contenu. Le contenu de nos egos est trop dissemblable sur les grands sujets qui devraient nous unir. Soit nous arrivons à les compartimenter dans notre esprit, c’est-à-dire ne pas les mélanger avec d’autres préoccupations quotidiennes. Soit nous déléguons notre pouvoir de les gérer à des décideurs spécialisés, vraiment collectivistes.

Qui ne regarde pas son portefeuille?

Compartimenter, peu d’entre nous en sont capables. Qui peut s’abstraire du contenu de son assiette, de son portefeuille, du modèle de son dernier assistant numérique ? Une grande majorité des humains n’a aucun contrôle sur ces choix élémentaires. Ils n’ont pas les moyens de séparer consommation et écosystème. Ils survivent comme ils peuvent.

L’Humanité n’est pas un super-organisme, et par ce défaut elle peut être aussi éphémère qu’un tourbillon dans l’océan. Notre meilleure chance est de simuler un tel organisme, en lui donnant une raison unifiée d’exister. Impossible de cloner le concept de Gaïa dans des esprits diversifiés. Il doit être fusionné dans les exemplaires les mieux conçus pour l’héberger.

Gagner par délégation

Sébastien se trompe complètement de direction dans son livre, avec sa “révolte”. Évidemment la “soumission” fait moins recette. Pourtant elle produit les résultats exceptionnels et les joies inouïes, parce que partagés. Lorsque vous espérez gagner la Coupe du Monde de football, vous transférez votre pouvoir à votre équipe favorite plutôt que chausser vous-même les crampons. Et l’émotion qui vous saisi en cas de succès est bien supérieure à celle que vous auriez éprouvé en gagnant contre l’équipe du quartier voisin.

C’est la même délégation que nous devons collectivement entreprendre pour sauver l’écosystème et les autres espèces. La hiérarchie est trop raide, trop opaque, trop conservatrice, mais indispensable. C’est là que l’ego pénalise une structure qui devrait rester fluide. Il n’en a donc pas tant que ça à traiter, de ces ego(s). De moins en moins à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie.

Commençons par ne pas élire, aux plus hautes fonctions, les franchement pathologiques, parce nous nous abandonnons à nos propres extrémismes de pensée…

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