Binswanger et la dimension du Terrifiant

Les philosophes font comme tout le monde les pires cauchemars. Martin Legros s’éveille terrifié quand sa fille bascule par dessus le parapet du toit d’un immeuble. Il cherche l’explication chez Ludwig Binswanger, fondateur de la Daseinanalyse. D’après lui nous entrons en contact, au fond du cauchemar, avec une dimension fondamentale de l’existence qu’il appelle “le Terrifiant”.

Éveil causal et thérapeutique de la terreur

Binswanger s’évade dans des interprétations aussi douteuses que Freud en son temps. Cent ans plus tard nous savons que les rêves, agréables ou effrayants, n’ont d’autre rôle que nous faire rejouer les évènements et consolider les réactions standardisées à leur sujet. Motivation purement neurologique et non morale. Ils n’appartiennent pas davantage au “terrifiant” que les excitations neutroniques initiant une explosion nucléaire. C’est le résultat de ces excitations qui apparaît terrifiant à l’observateur éveillé, à nouveau connecté à son jugement moral. Découvrant à cet instant seulement le caractère horrible de l’évènement, le cerveau se dépêche de lui adjoindre son étiquette d’irréalité. L’éveil est à la fois causal et thérapeutique de l’afflux de terreur. Avant cet afflux le rêve ne contient guère d’émotion, infiniment peu par rapport à ce que devrait déclencher ces situations fantastiques.

Autrement dit, soit le générateur de rêves est isolé, et n’est relié à aucune inquiétude, soit il se connecte aux émotions et alors c’est le réseau conscient entier qui s’éveille, pour le requalifier en illusion. Voici ce qui différencie le cauchemar d’un véritable Enfer. Nous ne vivons pas réellement la terreur du cauchemar, seulement sa frontière avec l’éveil. Tandis que les situations réelles inquiétantes, nous les vivons pleinement. Aucune possibilité de s’en échapper !

Cet inconscient qui nous terrifie

Martin Legros pense comme Binswanger que se réveiller face au Terrifiant permet de « le regarder en face, lui résister, le combattre, le vaincre si possible ». Mais non ! Ce n’est pas une lutte entre deux cerveaux, le conscient et l’inconscient. Le conscient n’a besoin que de trouver une signification à l’image, et le sens fonctionnel neural est le plus lucide. L’inconscient n’a accédé à aucun futur caché, aucune psychose dissimulée.

Nous sommes parfois, bien réveillés, encore en plein cauchemar, à propos cette fois de notre santé mentale, et d’un inconscient qui nous épie…

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