Décroissance: la grande confusion

Abstract: Les partisans de la décroissance mélangent à tort effort individuel et gestion collective. Les egos peuvent se glorifier à juste titre de leur effort individuel. Mais faire de la décroissance un sacerdoce collectif est piétiner d’autres egos plus nombreux que les leurs, qui cherchent à croître seulement jusqu’au niveau où les premiers refuseront de décroître…

Dans le brouillard anarchiste

Les partisans de la décroissance mélangent à tort effort individuel et gestion collective, comme si le collectif résultait d’une collection d’efforts individuels. C’est ne pas comprendre la différence entre le tout et la somme des parties, incompréhension courante qui fait aussi l’attirance croissante pour un anarchisme universel susceptible de remplacer les institutions.

La décroissance individuelle ne peut être que félicitée. Si nous sommes trop nombreux à nous partager les richesses d’une planète, chacun doit s’efforcer à la sobriété. Cet effort soutenu, cependant, doit-il être le même pour tous ? À l’évidence les plus nantis, les plus gaspilleurs de ressources, devraient fournir davantage d’efforts que les nécessiteux. Voire ces nécessiteux pourraient profiter d’encore un peu de croissance, non pas pour rejoindre une “moyenne” aussi idéaliste qu’irréaliste, mais pour atteindre les minima de confort de vie sous lesquels les décroissants n’accepteront plus de descendre —logement, nourriture, soins médicaux de base, etc.

Décroître en rééquilibrant?

Ce niveau de gestion des ressources n’a rien en commun avec la gestion individuelle. Il peut demander de poursuivre la croissance économique et industrielle, en raison de la pression démographique, alors même qu’une partie de la population fait décroître ses besoins. Il s’agit de rééquilibrages qui n’ont de sens qu’au niveau planétaire. Un tel niveau planétaire de gestion n’existe concrètement, aujourd’hui, que dans le domaine économique. Le rééquilibrage est l’affaire du domaine politique mais lui est bien loin d’avoir une gestion planétaire coordonnée.

Ainsi personne n’est surpris que les “décroissantistes” ciblent le système économique plutôt que politique dans l’espoir de sauver la planète. Ce système est le seul à disposer d’un échelon planétaire crédible. Mais son rôle étant de maximiser les richesses, on lui demande de faire le contraire de sa mission normale. Cela suffit à en faire une mauvaise idée. Mais surtout cela risque tout simplement d’effondrer le niveau planétaire de l’économie et la ramener à des luttes intestines aussi vives qu’en politique.

Les victimes sont les sous-consommateurs

Qui seront les victimes de l’effondrement ? Pas les nantis bien sûrs. Pas ceux qui, sans être sur-consommateurs, ont des consommations qu’ils estiment pouvoir décroître. Les victimes seront les sous-consommateurs. Qui seront plus nombreux à vouloir s’emparer de ce qui leur manque par la force. Guerres et violences coûtent plus cher au bilan climatique que les efforts des décroissants ne lui rapportent.

Les déséquilibres sont un problème plus aigu que les consommations. Peu importe le nombre et l’importance des efforts individuels, le salut climatique ne peut venir que d’une gestion collective efficace, c’est-à-dire d’un renforcement du pouvoir des gouvernements et l’incitation à se coordonner aux autres. Ce ne sont ni les anarchismes ni les populismes qui nous y emmènent. Ces systèmes politiques ne fonctionnent qu’entre égaux en richesse, moyens et volonté. Efficaces en petites communautés, il deviennent une forme de démission collective, au profit des egos, dans les grandes sociétés.

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