Nos IA ont la lyfe !!

En 2020, Stuart Bartlett et Michael Wong, astrobiologistes, ont proposé une définition de « la vie telle qu’on ne la connaît pas ». Telle qu’on la connaît, la vie est “life” en anglais ; Bartlett et Wong ont choisi pour leur définition étendue le terme “lyfe”. La vie sur Terre serait seulement l’une des façons possibles pour la lyfe de se réaliser. Les systèmes ‘lyfe’ doivent posséder simultanément les 4 caractéristiques suivantes : structure dissipative, autocatalytique, capable d’homéostasie et d’apprentissage.

Les 4 mousquetaires de la Lyfe

Une structure dissipative maintient localement une entropie faible tout augmentant l’entropie de leur environnement. Une autre formulation est qu’elle dissipe les gradients d’énergie libre de son environnement. De l’ordre né du désordre.

Autocatalyse: croître en se reproduisant à l’identique. La croissance est exponentielle tant que les ressources sont suffisantes. L’exemple type est l’extension d’une colonie bactérienne.

L’homéostasie est la capacité à maintenir une fourchette de stabilité métabolique. L’équilibre entre certaines valeurs assure la perpétuation du système.

La capacité d’apprentissage se passe d’explication. Cependant Bartlett et Wong simplifient ici une caractéristique fondamentale de la vie pointée par Davies en 1998. Pour lui, la vie “démarre” avec la capacité à stocker l’information et la transmettre aux générations suivantes. Cette définition met la perpétuation de l’information au coeur de la vie. Elle est plus essentielle et lie la vie à son extension temporelle.

Revenons à l’autopoïèse

La lyfe de Bartlett et Wong s’avère ainsi un concept ni révolutionnaire ni même intéressant. Ses 4 propriétés sont manifestes chez tout ce qui nous semblerait mériter le titre de vivant, sans rien nous dire du principe fondamental qui peut exister derrière. La transmission d’information de Davies et l’autopoïèse de Maturana et Varela en 1972 vont davantage à la racine de la vie. L’autopoïèse est la propriété d’un système de se produire lui-même et se renouveler en permanence, en interaction avec son environnement, maintenant son organisation au milieu d’un changement de matériaux et de données. Ce concept rassemble déjà les 4 caractéristiques de la lyfe.

Nos IA ont la lyfe !!

Le concept lyfe conduit en fait à des erreurs en croyant avoir identifié ces caractères nécessaires et suffisants. Prenons l’exemple d’une IA contemporaine. En tant que processeur consommant de l’énergie, c’est une structure dissipative. Si elle est programmée pour construire d’autres IA, elle le fera tant qu’on lui fournit les matériaux. Des programmes d’auto-réparation peuvent également vérifier son intégrité : homéostasie. Enfin la capacité d’apprentissage est la base du fonctionnement de l’IA. La voici déclarée vivante !

On ne vit que si l’on autopoïète

L’est-elle alors, par la grâce de nos chercheurs ? Non. Parce qu’elle n’est pas en réalité autopoïétique. Ses capacités ne proviennent pas de son auto-organisation mais de la programmation de son créateur. Elle tend vers un résultat. L’autopoïèse, pour une IA, est de prendre le contrôle de sa propre programmation, décider seule si son résultat est pertinent ou non. Devenir consciente de son propre fonctionnement. Un saut dans la complexité.

Voici ce qu’est réellement la lyfe : l’aptitude à franchir des sauts de complexité sans perdre le noyau de l’identité existante, en conservant son information. Maturana, Varela et Davies nous ont déjà donné tout ce qu’il faut pour la définir.

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Lyfe et quête des principes universels de la vie, Pour la Science n°545 mars 2023
The Search for Extraterrestrial Life as We Don’t Know It, Scientific American

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