Toutes des mal baisées ?

Un titre psy amène à une névrose

Je renonce d’entrée à la propriété du titre de cet article. Il appartient à Victorine de Oliveira, dans une tribune d’avril 2023 sur Philomag. Victorine est une féministe militante et philosophe. Mais l’on peut se demander aujourd’hui si ‘philosophe’ ne forme pas un oxymore avec ‘féministe’. Un titre dépréciateur dont j’assume la propriété serait plutôt : « Peut-on encore dire que le féminisme militant est un éclairage ? ». L’on s’attendrait à lire sous la plume des autrices les remarques les plus intelligentes sur l’hétérosexualité et le patriarcat, qu’elles ont étudiés sous tous les angles. C’est malheureusement le contraire. De profondes névroses s’expriment. Une névrose n’est pas là pour décrire le monde réel, mais celui où elle peut s’ébattre en toute liberté. Monde tronqué, éclairé seulement par des coups de projecteur aux endroits qui le valident. Le vrai est une ombre.

L’ego XX n’est pas le moins forcené

Le premier sentiment qui vient à lire Victorine et les féministes dont elle se fait l’écho, est paradoxale : j’ai l’impression d’être en face des voix patriarcales les plus obtuses des siècles passés, les mêmes qui sont dénoncées. Il en reste encore des hordes, de ceux qui voient la femme comme naturellement programmée pour s’occuper de la progéniture et du logis. Ils se font rares dans l’intelligentsia. La place encore chaude est occupée à présent par leurs héritières, alignées en bataillons féministes. Point commun : l’individualisme forcené. Fébrilement occupés à polir l’ego, les neurones ignorent tout du reste. Le collectif, pour ces gens-là, ce sont d’autres individus qui les emmerdent. Quand ils ont des gènes XY, on les appelle ‘machos’. Ils ont à présent leurs pendants XX, les ‘féchos’.

Le féchisme est un effet secondaire de la lutte pour l’égalité des sexes. Pas indésirable, carrément désastreux : les féministes ont copié le pire chez l’homme avant le meilleur. Elles ont mimé ce qui définit au mieux le masculin : une tendance individualiste hypertrophiée. Définition plus centrale que la présence d’une paire de testicules, l’agressivité, la faible empathie, la dictature des pulsions, l’aptitude à se concentrer sur un sujet unique. Tous ces caractères sont cause ou conséquence d’un ego-phare, qui compte illuminer le monde entier… à partir d’un emplacement unique : soi. Le collectif est un cadre, pas quelque chose auquel on appartient. Je ne suis pas les autres, et ces autres ont tout intérêt à s’associer avec moi : voilà la forme masculine du collectif. Qu’ont adopté les féministes, les faisant muter en féchos.

Féminin essoré

Impossible en effet d’amplifier son ego individualiste sans toucher à sa part collectiviste. Soi et les autres. ‘Être soi’ empiète obligatoirement sur ‘Faire partie de’. « Faire partie » est justement ce qui définit au mieux le féminin. Définition plus centrale que ‘poitrine allaitante’, tolérance, souci de l’autre et attention à tout ce qui se passe autour de soi, qui sont causes ou conséquences d’un être social fort, holiste, capable d’englober tout congénère de rencontre voire la totalité du vivant.

Ces deux tendances, le masculin et le féminin, sont présentes en chacun d’entre nous. Émancipons-les ainsi d’une simple affaire de gènes. Il existe des femmes fortement masculines et des hommes largement féminins. La tendance masculine s’appelle ‘avoir du caractère’ chez la femme et la féminine est le ‘paternalisme’ chez l’homme.

La chair est triste hélas

Pour la fécho comme le macho, le plaisir est entièrement restreint à la satisfaction du plaisir personnel. Satisfaire celui de l’autre n’en apporte pas à soi. C’est un à-côté sympathique, au mieux. L’intérêt principal du plaisir obtenu par l’autre est de valoriser celui qui l’a donné : soi. Victorine dans les pas d’Ovidie, qui a publié ‘La chair est triste hélas’, parle de grève du sexe, par insatisfaction personnelle. Comme si elles étaient des boutiquières de leur vagin, et qu’elles décident de fermer commerce parce que la clochette de la porte ne sonne pas assez souvent.

L’hétérosexualité du campagnol des prairies

Comment Victorine et ses clones se permettent-elles de juger l’hétérosexualité, elles qui la réduisent à des rencontres d’un soir ? L’hétéro(généité) c’est la diversité, la complémentarité, l’effort que fait l’un quand l’autre est incapable de le fournir. Associer deux egos surdimensionnés ensemble, comme le tentent généralement les féministes militantes, relèverait plutôt de l’homosexualité. Couple de coqs. Mais ce serait faire injure aux homosexuels, qui copient habituellement les contrastes des hétéro : l’un est plus paternel et masculin, l’autre plus maternel et féminin. La Terre et sa Lune sont un système plus stable que deux grosses planètes prêtes à s’entrechoquer. Ne vous trompez pas ! Le féminin c’est la Terre, féconde, et la Lune est masculine, plus rude, quittant parfois son orbite mais ne rêvant que de retrouver un monde féminin autour duquel il papillonnera inlassablement.

L’hétérosexualité que fuient les féchos comme Victorine est celle du campagnol des montagnes, ce rongeur qui change de partenaire chaque semaine. Il en existe une autre qu’elle n’a jamais vécue, celle du campagnol des prairies, celle du couple durable, qui traverse les décennies. Interdite à Victorine, car la névrose féministe interdit la construction du Troisième, ce tout qui englobe les deux egos et les soude dans le plaisir comme le déplaisir. Le “bon coup” n’est pas le sportif d’un soir mais celui qui vous connaît parfaitement et franchit la ligne d’arrivée avec vous. Mal baisée, la féministe ? Certainement, quand sa violence à peine dissimulée effraie rapidement tout partenaire avant qu’il puisse apprendre à mieux faire.

Donner du souffle au féminisme

Heureusement il existe encore des féministes pétries de féminité, qui suscitent l’admiration et continuent de donner un beau souffle à cette cause, comme Amia Srinivasan, Abnousse Shalmani, Catherine Deneuve, Catherine Millet, Ingrid Caven, etc. Féminisme dans son sens collectif, pacifique. Autrement plus cortiqué aussi. Étendre le Troisième comme un édredon au-dessus de l’ego masculin, voici le rôle du féminin, qu’auraient du partager les hommes au moment où les femmes se sont mises à singer leur surdimensionnement d’ego.

La fécho, comme le macho, ne comprend pas son propre ego. Parce qu’elle ne l’observe pas du belvédère du collectif. Comment pourrait-elle comprendre le machisme dans ces conditions ? Le masculin est incapable de sortir de lui-même. Alors que du féminin il est facile à décrypter. Petit garçon sevré trop abruptement ou insuffisamment aimé. Coupé brutalement d’un monde qu’il pensait être seul à occuper. Cherchant désespérément à le ramener à lui. L’agressant. Capturant la mamelle. Forçant sa compagne, ou imaginant le faire, dans ses fantasmes. Et c’est l’acceptation par elle d’être forcée qui le satisfait. Le garçon est un livre ouvert. Les plus violents, les plus assurés dans leur agressivité, sont les plus profondément frustrés. Notre côté féminin sait le voir, quels que soient les gènes qui nous sont donnés.

L’ego blessé est au coeur du macho et maintenant de la fécho. Réveillons le féminin en nous pour les apaiser. Pas mieux à faire. Nous ne leur ouvrirons pas les yeux, à ces militaires du genre. Le masculin est aveugle. En émancipant le masculin des femmes, on a doublé le nombre d’aveugles.

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Synthèse SEXE et GENRE

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