Stratium, une théorie de l’esprit et de la personnalité

Cet article est une présentation de Stratium pour le lectorat professionnel, qui complète l’article précédent pour le grand public. Destiné à publication dans les revues spécialisées, il aborde en 1ère partie des points plus techniques, et fait en 2ème partie un banc d’essai détaillé des thèses concurrentes actuelles sur la conscience.

Abstract : Stratium est une théorie corps-esprit décrivant le cerveau comme un système multi-étagé superposant des niveaux de signification. Chaque niveau possède une indépendance relative, indissoluble de sa structure sous-jacente, intriquant son propre niveau de représentation aux précédents. La rémanence et la synchronisation des excitations neurales surimpose (superpose et fusionne) l’ensemble des niveaux pour former les impressions conscientes dans l’espace de travail le plus élevé. Le principe d’indépendance relative rend compte de l’estompement de l’accès de la conscience à sa propre constitution, jusqu’à disparaître pour les étages inconscients. Gage à la fois de stabilité et souplesse mentale. La théorie est confrontée aux principales thèses philosophiques et neuroscientifiques existantes.

*

Présentation

L’esprit est son propre créateur, à partir d’ingrédients qui ne lui appartiennent pas.

La théorie baptisée Stratium1“Stratium” est un néologisme né de ‘strates’ et ‘atrium’, imageant l’esprit comme l’intérieur d’un atrium dont les services étagés s’élèvent jusqu’à l’altière conscience, services reliés par d’innombrables passerelles tout au long de l’ascension. jette un pont entre corps et esprit. Son originalité ? Elle n’est pas née dans les neurosciences ni dans la philosophie de l’esprit mais à leur point de rencontre : le subconscient, cette limite floue et mystérieuse où les germes de la pensée sont proposés à la conscience et manipulés ensuite par l’attention. L’intérêt d’un tel point de départ ? Fonder l’expérience mentale la plus directe. Établir ainsi un enracinement incontestable, éprouvé par chaque propriétaire d’un cerveau, à partir duquel je fais le lien vers la systémique des schémas neuraux et la phénoménologie des impressions conscientes, sans réduire leurs paradigmes respectifs. Dans les limites de ce court article, j’esquisse les grandes lignes de Stratium puis le confronte aux thèses contemporaines, autour d’un fossé dualiste persistant entre neurosciences et philosophie.

Première partie
Stratium : un escalier entre le corps et l’esprit

Stratium décrit le cerveau comme un système multi-étagé superposant des niveaux de signification. Prenons comme exemple de données à traiter les stimuli visuels. Le neurone récepteur annonce : ‘Je suis un point excité’. Neurones groupés dans le 1er niveau hiérarchique de traitement : ‘Je suis une ligne’. 2ème niveau : ‘Je suis des yeux / un nez / une bouche’ 3è:’Je suis un visage’ 4è:’Je suis une personne connue’ 5è:’Je joue tel rôle dans la vie de l’organisme auquel j’appartiens’, etc… C’est une description simplifiée. Les passerelles vers d’autres traitements conceptuels sont multiples ; la hiérarchie est complexe et plastique. Point essentiel: chacun de ces niveaux possède une indépendance relative. Raison de mon emploi du ‘Je’. Chaque représentation se cherche pour continuer à exister. Plus elle est sollicitée plus elle devient célèbre et étend ses relations. L’auto-organisation des neurones crée des niveaux successifs d’intention, qui s’intriquent. La conscience finale est la surimposition (superposition et fusion) de tous ces niveaux de représentation. La rémanence et la synchronisation des excitations neurales rend indissoluble l’ensemble des niveaux participant simultanément aux impressions conscientes, ce qui fait leur fusion et leur richesse. Tandis que l’indépendance relative explique que le rétro-contrôle conscient n’ait accès qu’à une étendue limitée de l’information qui le structure (l’inconscient n’est pas accessible). Garantie de sa stabilité.

Les bases de cette théorie sont conformes au paradigme actuel des neurosciences. Une telle organisation neurale est validée pour le traitement des signaux visuels. En quoi la théorie diffère-t-elle du paradigme habituel et comment serait-elle mieux capable de satisfaire les philosophes attachés au ‘difficile’ problème de la conscience ? Tout repose sur le terme ‘indépendance relative’. Il cache à la fois une discontinuité entre les niveaux de représentation mentale et leur intrication. Contrairement aux systèmes artificiels de traitement de données, la transmission neurale n’est pas séquencée ; elle est surimposée. Nous affrontons ici le même problème que pour la matière biologique : pour comprendre comment des particules deviennent des biomolécules auto-réplicantes puis des cellules, nous sommes obligés de superposer différents niveaux de signification. Impossible de réduire l’ensemble à ses micro-mécanismes ; impossible également de parler des propriétés émergentes en ignorant les micro-mécanismes. Les niveaux sont simultanés, intriqués, indissolubles et pourtant indépendants à notre observation.

Une continuité entre l’organisation matérielle et virtuelle

Cette indépendance existe-t-elle aussi dans l’essence de la réalité physique, ou est-ce purement lié à la manière dont notre esprit fonctionne ? Les modèles physiques sont structuralistes, c’est-à-dire qu’ils ne parlent pas de substances mais de systèmes. La réalité est décrite en termes de niveaux d’information. Stratium prolonge ainsi dans le mental la description établie de la réalité physique, sans changement du support matériel : les neurones sont toujours les éléments fondamentaux des systèmes, cependant leur organisation graphique définit des groupes hiérarchiquement supérieurs aux autres. De la même manière qu’un atome reste intriqué dans la constitution d’une cellule, après de multiples niveaux d’organisation, un neurone reste intriqué dans la constitution d’un concept conscient, en faisant partie de multiples groupes hiérarchisés.

Théoriser l’esprit en termes de niveaux d’information permet de définir très simplement une représentation mentale : c’est un mimétisme par les neurones de l’information contenue dans les systèmes physiques. Le mimétisme est symbolique, utilise des codes formant les langages. Les langages permettent de traiter de multiples étages de réalité au sein d’un même espace d’organisation mentale. Nous pouvons représenter par exemple une pomme en tant qu’atomes, molécules, fruit, saveur, etc, conjointement au sein d’un seul espace de travail conscient.

Un monde mental plat juché sur une pyramide de complexité

Nous éprouvons ainsi consciemment nos représentations comme les pièces d’un puzzle horizontal, plutôt que comme la pile verticale de complexité qu’est la réalité par constitution. La conscience juxtapose et confronte des concepts de tous niveaux matériels et virtuels dans un espace de travail unique. Elle “aplatit” la complexité du réel. C’est en auto-examinant notre fonctionnement mental par des concepts dédiés que nous pouvons “redresser” cette complexité, et voir son agencement vertical.

La fusion consciente et son indépendance relative sont responsables de la dualité corps-esprit ressentie. Dualité partielle : nous éprouvons bien notre corps. Sans percevoir le détail des minuscules et innombrables stimuli qu’il produit, nous savons qu’il est là. Être doté d’un foie ou un rein n’est pas juste une connaissance. L’absence ou le trouble de leurs signaux perturbe notre impression corporelle à un niveau difficilement accessible à la conscience et pourtant nettement ressenti. Ces perceptions sont le soubassement de nos intentions. Elles sculptent notre comportement dans un ordonnancement auquel assiste notre conscience, confortablement installée dans son belvédère. La conscience est un rétro-contrôle profondément intriqué à ses micro-mécanismes, conservant une indépendance relative entre l’un et les autres.

Une théorie applicative

L’intérêt de Stratium n’est pas que théorique. Ses applications sont immédiates et variées. Je l’utilise en tant que médecin depuis une vingtaine d’années, pour personnaliser diagnostic et thérapeutique. Aucune maladie n’est purement biologique. Un retentissement mental est systématique. Il est paradoxalement majoré aujourd’hui par la meilleure information des malades sur leurs affections. Ils en conçoivent des représentations plus ou moins justes, alors que les générations précédentes se contentaient de déléguer la prise en charge au médecin. La communication est passée de « dire l’utile » à « tout dire », attitudes parfois aux effets aussi dramatiques l’une que l’autre. L’annonce d’une pathologie biologique entraîne ainsi une transformation mentale variable, rarement profitable, qui n’existait pas à l’époque où l’on se préoccupait beaucoup moins soi-même de ses maladies. La médecine classique a été dépassée par cette évolution soudaine. La prise en charge des effets psychologiques adverses s’est faite à travers une explosion des médecines alternatives et des réseaux sociaux consacrés à la santé. Mais aucune théorie corps-esprit n’a permis de rationaliser cette prise en charge.

Le concept de mental hiérarchisé prolongeant la physiologie corporelle hiérarchisée elle aussi permet de préciser les étages d’organisation dysfonctionnels, qu’ils soient biologiques ou psychologiques. Le thérapeute entraîné à ce diagnostic étagé redresse facilement une erreur d’aiguillage, souffrance mentale se manifestant par des symptômes physiques —la “somatisation”, ou au contraire troubles du comportement classés à tort comme psychiatriques alors qu’il existe des anomalies biologiques. Cependant l’immense majorité des affections sont mixtes, intriquant des dysfonctionnements à plusieurs étages biologiques et mentaux. La catégorisation actuelle des maladies est trop “horizontale”, fondée purement sur des niveaux physiologiques, ne tient pas compte de cette complexité verticale de nos pathologies.

La désertification du champ théorique de la personnalité

Les théories de la personnalité foisonnaient au siècle dernier. Trinité freudienne, inconscient collectif de Jung, affirmation de soi d’Adler, besoins névrotiques de Horney, daseinanalyse de Bingswanger, liberté transcendante de Fromm, métaphore fructueuse de Kelly, demonium de May, tendance réalisatrice de Rogers, pyramide des besoins de Maslow, dynamique du noös de Frankl, proprium d’Allport, champ phénoménologique de Snygg et Combs, stades cognitifs de Piaget, principe épigénétique d’Erikson, conditionnement opérant de Skinner, déterminisme réciproque de Bandura, skandhas bouddhistes, etc. Par quoi cette floraison de modèles a-t-elle été remplacée aujourd’hui ? Par le Big Five, qui se contente de définir la personnalité à partir de cinq traits de tempérament. Doit-on considérer cela comme un progrès, ou une régression, en matière de théorie du psychisme ?

Le modèle freudien est le seul à garder une certaine popularité aujourd’hui, malgré une faible efficacité thérapeutique et un vice de fond : le fait que Freud ait voulu rendre ses propres névroses universelles. Défauts qui nécessitent des révisions des théories du psychisme et non leur éradication. La trinité ça/ego/surmoi est l’ancêtre des modèles hiérarchiques. Stratium en diffère par la multiplication des niveaux de manière à y loger toutes les fonctions mentales et leurs interactions. Il rétablit aussi la vraie place de l’inconscient, qui n’est pas un second cerveau directeur mais simplement le soubassement brut des propositions faites à la conscience. L’inconscient est stupide, relativement facile à manipuler, par des techniques d’injonction comportementales et non en lui racontant l’histoire de son passé. La psychanalyse doit être prise comme travail de renforcement identitaire plutôt que comme thérapeutique comportementale.

Une assemblée psychique réunie pendant l’éveil

Stratium hiérarchise la personnalité des concepts élémentaires aux supérieurs. L’organisation finale forme une assemblée psychique de persona —les aspects les plus tranchés de notre personnalité— susceptible de recomposition sans désintégration lors des bouleversements de la vie personnelle. Ainsi s’explique que notre attitude emprunte des aspects contrastés selon les contextes tout en gardant une cohérence intrinsèque.

Neurologiquement l’organisation mentale est bien localisée anatomiquement pour les premiers étages de la hiérarchie (traitement des afférences sensorielles) puis devient plus diffuse à mesure que la hiérarchie s’élève, jusqu’à l’espace de travail conscient qui s’étend à travers le cerveau entier et nécessite des noyaux excitateurs spécifiques pour maintenir son éveil. La signification symbolique d’un neurone excité est très faible pour les neurones à la base de la hiérarchie —un neurone visuel ne symbolise qu’un pixel allumé sur la rétine— tandis que cette signification est extraordinairement riche pour un neurone intégré à l’espace conscient —sa stimulation déclenche l’évocation d’une personne avec tous ses attributs. La richesse conceptuelle éprouvée vient de la surimposition de tous les étages symboliques sous-jacents. Lorsque les neurones des niveaux supérieurs cessent leurs communications, en fin d’éveil, la surimposition diminue et la vive qualité de l’expérience consciente s’estompe, se réduisant à des états de consciences frustres ou partiels —semi-éveil, rêve, somnambulisme.

La conscience en tant que phénomène

Stratium décrit l’esprit comme une hiérarchie de niveaux d’information coiffée par l’espace de travail conscient. Cette théorie suffit-elle à rendre compte de la conscience en tant que phénomène ? Les philosophes de l’esprit peuvent-ils s’en satisfaire ? A priori il semblerait que la théorie dénigre même la possibilité d’un phénomène particulier dans l’espace conscient : Pourquoi les schémas neuraux activés s’éprouveraient-ils différemment à cet étage alors qu’ils fonctionnent à l’identique dans l’ensemble de la hiérarchie ?

Les matérialistes en neuroscience se défendent de la critique des philosophes de deux manières. Les éliminativistes considèrent le phénomène comme une illusion. Élimination, pas explication, puisque le matérialiste ne sait pas quelle place donner à une illusion dans cette réalité physique qu’il veut garder moniste. L’autre manière, moins péremptoire, est de traiter le phénomène comme une correspondance du système physique, une simple émanation qu’il est impossible d’expliquer puisque l’explication n’a lieu que dans le domaine physique justement. Cette position reste dualiste sans que notre compréhension du monde en soit gênée. Tant que les corrélations entre matière et phénomène sont parfaites, la connaissance est sûre.

Le pragmatisme scientifique

C’est la position déjà couramment utilisée en sciences physiques. Le magnétisme en tant que phénomène est une correspondance de l’alignement des spins électroniques et personne ne songe à le placer dans une réalité alternative. Le matérialisme consiste à démembrer les choses en leurs éléments, les réassembler et assister au phénomène résultant. Il ne dénigre pas l’existence des phénomènes apparaissant à notre esprit. Pourquoi la conscience échapperait-elle à ce vaste jeu de construction déjà riche en phénomènes étonnants ?

Voici une expérience de pensée pour illustrer cette position pragmatique : Prenons le problème à rebours du temps. Plaçons-nous dans une réalité plus ancienne où la conscience mentale n’est pas encore apparue. Voyageurs temporels, nous débarquons dans cette réalité antique au moment où l’évolution fait surgir les réseaux neuraux et leur regroupement dans un cerveau. Nous ne sommes pas « à bord » du phénomène mais simples analystes, débarrassés de tout a priori. Que pourrions-nous prédire de cette étonnante organisation neurale ? Dans notre équipe de voyageurs se trouve un béhavioriste. Il affirme que l’organisme doté du nouvel organe gestionnaire sera un ‘zombie’, un être doté d’un comportement nettement plus sophistiqué qu’une plante mais sans autre phénomène particulier, rien qui  soit du ressenti. L’être n’est qu’une entité biologique plus évoluée, ce qui ne le déplace pas dans un autre ordre de la matière. Le philosophe de l’équipe est incapable de le contredire.

Comment pourrions-nous prédire des zombies alors que nous observons des êtres conscients?

Dans cette époque aucune évidence du phénomène conscience n’est encore apparue. L’inventer serait réinstaller des a priori ou tomber dans le mysticisme. Pourquoi croire en la conscience davantage qu’en Dieu, à une époque où ni l’un ni l’autre n’ont jamais été observés ? Le philosophe se tait. Mais les siècles défilent et le cerveau complète son organisation sous l’oeil de nos voyageurs. Parallèlement, l’être bipède qui s’en trouve doté donne toutes les apparences de propriétés innovantes. Il s’observe dans un miroir, se met à dessiner puis écrire, construit une société coopérative, se comporte de manière imprévisible et se prétend « conscient ». Surprise chez le béhavioriste, dont les allégations ne suffisent plus à expliquer les désirs inattendus du bipède. Le philosophe, lui, se met frénétiquement à remplir des pages d’observations. Il vient d’inventer une nouvelle discipline : la philosophie de l’esprit.

Notre expérience de pensée se termine en reposant la question : que pouvions-nous prédire du résultat de l’organisation neurale qui puisse contredire l’apparition de la conscience ? Qu’est-ce qui pourrait la rendre moins inéluctable que l’apparition du magnétisme avec l’alignement des spins électroniques, si nos voyageurs étaient remontés jusqu’à l’apparition des particules élémentaires ? En quoi la conscience serait-elle moins inhérente à la réalité que n’importe quel autre phénomène ?

Le panpsychisme

Cette position pragmatique est empreinte d’un certain fatalisme. Pas besoin de résoudre les questions qui n’ont pas de débouché utile. Faut-il en rester là, se contenter d’un phénomène-conscience inéluctable et inexplicable, comme le pensent certains philosophes ? N’existe-t-il aucun moyen de le relier au reste de la réalité ? La seule alternative imaginée jusqu’à présent est le panpsychisme, qui consiste à injecter du phénomène-conscience dans la matière inerte puisque l’organisation de cette matière ne suffit pas à l’expliquer. Il faut rendre le phénomène constitutif de la matière.

L’écueil du panpsychisme est de chercher à représenter un phénomène qui par définition n’est pas modélisable, puisqu’il ne relève pas de la physique. Le panpsychisme utilise ainsi pour le phénomène conscience une représentation minimale, sorte de modèle réductionniste inversé de la matière : Un Tout conscient se séparerait en nos consciences individuelles puis en minuscules fragments de conscience attachés aux particules élémentaires. Simplicité qui peut sembler candide, mais le panpsychisme se met à l’abri d’une telle accusation en pointant que la sophistication du modèle n’est pas un critère pour quelque chose qui n’est pas modélisable.

Une théorie plus générale pour le ‘difficile’ problème

Stratium peut-il faire mieux ? Pas tout seul, puisqu’il se contente lui aussi d’être un modèle partiel de la réalité, celui de l’esprit. Constatons que résoudre le ‘difficile’ problème de la conscience, l’expliquer en tant que phénomène, oblige à créer un nouvel épistémé, une manière innovante de représenter l’ensemble de la réalité. Impossible de se contenter d’une simple théorie de l’esprit. Un modèle du mental sera toujours une correspondance, une représentation, incapable d’expliquer le phénomène éprouvé en direct. Nous avons besoin d’une théorie plus générale du réel. Nous avons l’obligation de trouver cette théorie plus globale, sinon toute la connaissance scientifique, incapable d’expliquer un phénomène réellement éprouvé, en est affaiblie. En tant que phénomène, la conscience ne diffère en rien de n’importe quel autre niveau de réalité éprouvant ce qui le structure. La conscience appartient au vaste agglomérat des phénomènes matériels et virtuels. Elle est issue de cet ensemble unique de phénomènes en relation. Il n’existe aucun argument pour la sanctuariser.

Faire répondre Stratium au ‘difficile’ problème de la conscience a nécessité de l’associer à la théorie plus étendue que j’ai appelée Surimposium. Le terme ‘surimposition’ désigne cette étonnante indépendance relative des niveaux d’information, qui se surimposent en une apparence substantielle. Tous les niveaux d’organisation sont impératifs dans l’existence de la substance mais c’est le plus élevé qui détermine les propriétés de la substance dans son environnement. Je ne détaillerai pas ici cette théorie qui respecte scrupuleusement le principe de la réduction scientifique mais n’en fait pas la seule direction de la connaissance. Stratium fonctionne sans Surimposium, cependant l’association des deux est nécessaire pour comprendre la conscience-phénomène et la transformation d’une interaction en intention, qui reposent sur l’empilement des niveaux d’organisation.

La conscience hors du champ scientifique?

La science est trop considérée par certains comme une guillotine. C’est bien son rôle quand elle juge ce qui relève du champ scientifique. Il faut décapiter les mésusages de la science. Mais ses principes ne couvrent pas l’entière épistémologie de la connaissance.  En particulier ils ne permettent pas de découvrir les théories nouvelles, se contentent de les soumettre au test de réfutabilité. Comment modéliser cet esprit qui découvre ? Les concepts sont-ils au service du ‘Je’, ou le ‘Je’ au service des concepts ? L’enquête démarre généralement d’un postulat : En désignant la conscience comme causalement supérieure à son support physique, les représentations doivent s’inféoder à elle. Bastion téléologique et métaphysique. En désignant les informations sensorielles comme primitivement causales, ce sont elles qui modèlent le psychisme. Bastion béhavioriste.

Stratium rend cette opposition inutile. Nos représentations supérieures sont bien issues des stimuli sensoriels, mais leur organisation les a progressivement émancipées de ces informations. Elles sont devenues intentions, qui se cherchent dans la réalité et la modèlent pour s’auto-confirmer. Les postulats béhavioriste et téléologique alternent pour tisser et épaissir notre noyau identitaire.

*

Deuxième partie
Banc d’essai des théories de l’esprit

Que vaut Stratium face aux théories de la conscience existantes ? Ma thèse ne diverge pas du corpus neuroscientifique à propos de la physiologie et de l’organisation neurale. Au contraire, ce sont les découvertes en ces domaines qui sont susceptibles de compléter le modèle. Le point crucial est de comprendre comment les neurones établissent les discontinuités hiérarchiques du réseau correspondant à celle des concepts. Le mécanisme doit être une auto-organisation : les neurones construisent seuls leurs motifs. Il n’y a pas d’autre programmateur que des signaux sensoriels porteurs d’une information elle-même hiérarchisée. Les modèles d’intelligence artificielle et la théorie des graphes sont les pistes les plus prometteuses.

A propos de la conscience, les hypothèses sont moins consensuelles que pour la mécanique neurale. Des théories extrêmement divergentes sont en concurrence. Le dualisme est toujours en embuscade. C’est une chose de s’expliquer sa conscience et c’en est une autre de l’éprouver. Les théories se scindent en deux branches sous le tranchoir du dualisme : phénoménologiques et physiques. Aucune ne satisfait équitablement les deux bords. La philosophie a abouti au représentationnalisme. La neuroscience a produit la théorie de l’information intégrée, la conscience quantique, la théorie de la résonance adaptative, l’espace de travail global, l’interface utilisateur multi-modale, le schéma de l’attention. Parcourons rapidement ces thèses officielles concurrentes en les confrontant au Stratium.

Le représentationnalisme philosophique

Plusieurs branches :

Standard (représentationnalisme de premier ordre RPO) :

un état mental est phénomène conscient par l’intentionnalité de la représentation mentale. Celle-ci cherche à exister en tant que telle et rien d’autre. Les propriétés du phénomène ne sont pas celles de l’expérience mais de ce qui est représenté dans l’expérience.

Positif : argument de transparence —à travers une expérience consciente unique peuvent passer un grand nombre d’éléments différents de la représentation. Ces multiples caractéristiques peuvent faire ensuite l’objet d’une modélisation classique par les théories systémiques. Ouverture vers le traitement réductionniste de la conscience par les neurosciences.

Négatif : ne rend pas compte de la présence d’éléments de nature différente (humeur, abstraction, sensation corporelle) ou contradictoires au sein de la représentation. Exemple d’une illusion visuelle ; deuxlignes vous semblent divergentes alors qu’en mesurant leur écartement elles sont parallèles. L’impression tirée de cette image contient deux choses contradictoires : lignes divergentes pour la vision et parallèles pour la raison. Comment peuvent-elles faire partie de la même représentation ?

Représentationnalisme d’ordre supérieur (ROS) :

critique l’absence d’explication par le RPO de l’état mental éprouvé comme vécu. Pour le ROS il faut une représentation de la représentation, qui est l’ordre supérieur. Principe de transitivité : le transfert d’un espace représentatif vers un autre permet d’éprouver la sensation de se regarder penser.

Positif : l’idée d’une représentation supérieure ouvre la voie vers l’intrication des niveaux d’information à l’origine de la richesse des impressions conscientes, idée plus largement exploitée dans Stratium.

Négatif : à deux niveaux seulement, c’est une vision trop restrictive pour expliquer l’éventail des états conscients. L’auto-observation est loin d’être constante ; il faut inventer des états d’ordre supérieur « vides », peu convaincants.

Auto-représentationnalisme de la conscience (ARC) :

une représentation mentale contient sa propre faculté à se représenter. RPO et ROS sont unifiés. Plusieurs embranchements théoriques sont issus de ces affrontements. En fait la distinction entre ARC et représentationnalisme standard devient floue ; d’ailleurs l’ARC est aussi appelé théorie représentationnelle au sens contemporain.

Stratium vs représentationnalisme :

Stratium est par essence une théorie représentationnaliste. Mais il ne fait pas de la représentation une image sans épaisseur, sorte de photocopie mentale des états neurologiques correspondants. Stratium structure la représentation virtuelle comme une entité matérielle, en s’adossant à une théorie générale de la réalité qui en fait un étagement de niveaux d’information. Les philosophes refusent les théories réductionnistes prétendant expliquer le phénomène conscience par des interactions particulaires ou neurales. Ils ont raison. Néanmoins il faut intégrer ce phénomène à la réalité, sauf à invoquer une rupture inexplicable du réel. Le représentationnalisme doit être le prolongement logique d’une théorie générale des systèmes s’élevant jusqu’au cerveau.

Les théories neuroscientifiques

Théorie de la résonance adaptative (TRA) de Grossberg:

fondée sur un modèle d’apprentissage des neurones qui fait le lien entre processus neurologiques (apprentissage, attention, résonance et synchronisation) et psychologiques (perceptions visuelle, auditive, sentiments, connaissance). Les corrélations sont étendues à la conscience. Le principe de résonance/persistance d’activation des réseaux neuraux explique le maintien et la succession des micro-états mentaux.

Positif : modélise l’antagonisme entre plasticité/instabilité et rigidité/stabilité dans les processus neuraux ; a bénéficié d’un développement détaillé pour la plupart des fonctions cérébrales. C’est la thèse officielle la plus aboutie.

Négatif : n’explique pas pourquoi une partie des unités neurales résonantes participe à la conscience et pas les autres ; en particulier ne rend pas compte de la constance des contenus conscients tandis que d’autres sont exclus. Ne franchit pas l’obstacle des simples corrélations entre la résonance de schémas spécifiques et les impressions conscientes.

Stratium vs TRA : Stratium fait également de la persistance des excitations neurales le support des micro-états mentaux. Cependant elle fait du délai entre stimuli synaptiques un point capital du code conceptuel. Il ne s’agit pas de rémanence ou de résonance mais de ré-excitations définissant la célébrité des schémas concernés. Le principe de hiérarchisation, essentiel dans le Stratium, rend compte des carences de la TRA. La résonance, en tant que phénomène physique, ne suffit pas à expliquer la formation d’une impression consciente ; celle-ci vient de l’intrication structurelle de l’information.

Théorie de l’espace de travail global (ETG) de Baas et Dehaene:

fonde la conscience sur un circuit neural spécifique incluant le cortex pré-frontal et ses aires connectées, en particulier l’hippocampe. Les informations pertinentes pour la conscience sont diffusées massivement à ce réseau. La pertinence d’une représentation est qu’elle soit « attendue » par le réseau conscient.

Positif : relie finement les différents états conscients à l’activité des réseaux concernés ; intègre la notion de biographie, l’inclusion de l’hippocampe (mémoire à long terme) apportant une dimension temporelle à la conscience.

Négatif : réserve la qualité d’être conscient aux cerveaux dotés d’un tel circuit. Ce n’est pas du tout l’impression retirée de l’observation de la nature. Confusion entre le phénomène conscience et ses contenus. Ne fait pas la liaison avec la structure neurologique inconsciente, reste obscur sur la façon dont les contenus de celle-ci participent effectivement aux impressions conscientes. Enfin le retraitement des informations par un ensemble neurologique séparé est coûteux en termes de ressources et peu vraisemblable évolutionnairement.

Stratium vs ETG : Stratium adhère entièrement au concept d’espace intégrateur pour la conscience, mais d’une manière très différente : un petit nombre de neurones y sont impliqués, et non des aires cérébrales importantes et spécifiques. Le cortex pré-frontal ajoute des fonctions évoluées (capacités d’abstraction, d’auto-représentation, de langage) mais l’intégration proprement dite n’est pas une fonction sophistiquée : c’est le sommet d’organisation de toute l’architecture neurologique, du moins chez les animaux dotés d’un système nerveux central (d’autres ont des systèmes plus éclatés). Le cerveau s’est développé par l’addition de couches d’organisation successives, et l’espace d’intégration actuel n’est que la dernière version, née de l’apparition des aptitudes pré-frontales et non constituée par elles. En séparant le processus ‘conscience’ de ses contenus, Stratium l’explique pour tout appareil neurologique, tout fragment de cerveau. Il l’explique également pour les organismes dépourvus du moindre neurone, puisque la définition du processus est fondée sur l’auto-organisation.

Théorie de la perception par interface utilisateur multi-modale (PIUM) de Hoffman:

dénie que le rôle des perceptions soit d’approximer les propriétés du monde physique objectif ; elles les simplifient et les reformatent dans un but purement utilitariste pour l’utilisateur. Cette scène est la réalité de l’utilisateur. Hoffman a sans doute porté tort à sa PIUM en lui associant le réalisme conscient (RC). Dans cette partie plus controversée de la théorie, ce n’est plus la réalité qui construit la conscience mais la conscience qui construit la réalité. Destruction d’un dogme.

Positif : montre que l’esprit est suspendu dans une « réalité » qui est la sienne. Le RC renverse habilement le problème esprit/matière : il s’agit de trouver comment l’utilisateur construit son interface, ce que nous savons mieux faire.

Négatif : Le RC pose des difficultés insurmontables : comment nos consciences font-elles pour créer les mêmes objets ? Pourquoi les théories physiques aboutissent à des trouvailles qu’aucune conscience n’a imaginées ? Le RC est contradictoire avec l’argumentation du PIUM : le PIUM se fait un soutien de la thèse évolutionnaire tandis que le RC la jette aux oubliettes. Mélange d’ontologie neurale et de panpsychisme sans en résoudre les incohérences.

Stratium vs PIUM : Stratium voit la perception de manière similaire : utilitariste. Hypothèse la plus satisfaisante pour la vision évolutionnaire. Cependant Hoffman néglige un pan important des contraintes utilitaires : la nécessité de se concilier le monde et nos congénères. L’esprit n’est pas strictement individualiste. Le collectivisme incite à construire une scène recueillant l’approbation du clan humain, aussi parce que le monde lui-même se conforme mieux à une vision consensuelle. Face aux autres théories, la PIUM pose une question judicieuse : qu’est-ce qui dans le monde se conforme ? Stratium répond grâce à son intégration dans une théorie plus générale : ce que la perception enregistre est simplement le niveau de réalité auquel elle appartient, indépendamment de ce qui constitue plus fondamentalement ce niveau. La perception modélise un système dans lequel une partie de l’organisme est inclue. Elle favorise ainsi la satisfaction des nécessités vitales. La définition du « vital » évolue avec l’environnement, jusqu’à devenir la satisfaction des concepts eux-mêmes dans une société omniprésente. Chacun cherche à créer sa propre réalité.

Théorie du schéma de l’attention (TSA) de Graziano:

fait la différence entre l’attention et ‘être averti de’ ; l’attention est un processus mécanistique (traitement neural de l’information) tandis que la conscience est un modèle de l’attention construit par le cerveau, persuadé de son existence propre et insistant que ce n’est pas seulement une conviction.

Positif : explique qu’il n’existe rien derrière les impressions conscientes, aucun accès à la machinerie neurale.

Négatif : contradictions nombreuses : pourquoi ce modèle serait-il conscient et pas d’autres ? Quel intérêt évolutif à un tel schéma si le processus mécanistique suffit ? Aucun lien n’est fait justement avec la machinerie neurale. Enfin les limites de la conscience ne sont pas statiques ; elle peut s’avancer plus ou moins vers ses fondations inconscientes, ce qui n’en fait pas des circuits clairement indépendants.

Stratium vs TSA : en se débarrassant de l’idée que l’inconscient soit un système unique, pour en faire également une pile de strates d’information s’auto-représentant, Stratium échappe aux contradictions de la TSA.

Points négatifs communs aux théories précédentes :

Pas d’enracinement phylogénétique, ni embryologique. Beaucoup de questions restent en suspens. Un foetus ou un animal est-il conscient ? Comment en déduire la personnalité ? Les psychologues ne peuvent tirer de ces théories des recommandations pratiques pour agir sur une dépression, des difficultés existentielles, des soucis d’apprentissage. Parmi les questions brûlantes d’actualité, impossible de prédire si une IA peut être consciente, et les conditions nécessaires. Enfin, carence la plus gênante : aucune théorie n’explique comment des informations aussi étrangères les unes aux autres que des images, odeurs, abstractions, émotions, catégories, souvenirs, etc… puissent entrer en relation et être agrégées ensemble pour former les qualia. Théories trop horizontales. Elles sont devant les pièces d’un puzzle, mais les assembler ne produit pas le mélange qualitatif particulier que sont les sensations conscientes. La vision verticale de Stratium explique au contraire parfaitement cette intrication progressive aboutissant à la fusion consciente, qu’il n’est plus nécessaire de voir comme un coûteux miroir de toute la structure sous-jacente.

Théories globales

Théorie de l’information intégrée (TII) de Tononi et Koch:

reprend les principes de la théorie de l’information de Shannon ; mesure la quantité d’information intégrée dans le cerveau, mesure appelée ‘Phi’ (Φ), qui sert d’indice de conscience.

Positif : enracine la conscience dans la théorie générale des systèmes, fait la liaison avec l’inanimé.

Négatif : certains systèmes dotés de Φ très élevé ne correspondent absolument pas à la définition d’une entité consciente. Aucun lien n’est fait entre l’intégration informative et le ressenti. La théorie de Shannon ne peut s’appliquer telle quelle au cerveau : elle concerne un ensemble défini d’états reliés par des probabilités fixes ; or le cerveau génère en permanence de l’information nouvelle.

Stratium vs TII : Stratium reprend la notion d’information intégrée sous forme de pyramide, mais en séparant qualitativement les informations de chaque étage, ce qui rend illusoire toute mesure quantitative générale. C’est la congruence des niveaux adjacents et la diversité finale de l’intégration conceptuelle qui mesure l’intelligence de l’ensemble. Stratium explique ainsi que des animaux très simples voire les plantes nous semblent dotés de conscience, tandis que des intégrations bien plus importantes en termes de quantité de données ne le sont pas, qu’il s’agisse d’architectures numériques, virtuelles, sociales, etc… Le cerveau n’est pas considéré par Stratium comme un système global mais comme une surimposition de niveaux d’information, auxquels il est possible d’appliquer individuellement la théorie de Shannon.

À la fin de ce banc d’essai, chacune des théories en lice produit des hypothèses intéressantes, mais aucune n’est globalement satisfaisante. La TII de Tononi est la plus ambitieuse : elle cherche dans la matière inerte les processus créateurs de la conscience humaine. Stratium avance dans la même direction et n’est qu’un chapitre de la théorie plus générale qui tente de répondre à ce défi.

*

Conclusion

Stratium propose une fine stratification de l’organisation des données de la perception physique pour parvenir aux impressions conscientes. Le traitement des stimuli par les schémas neuraux n’est pas une succession mais une surimposition de niveaux de signification hiérarchiques. C’est ainsi que l’impression prend de l’épaisseur au lieu d’être la simple déduction d’un processus analytique. La conclusion intègre sa pyramide structurelle. Un seul neurone devient capable, s’il est excité, de faire éprouver consciemment un concept d’une grande complexité, par exemple la représentation d’une personne connue. Cette expérience a déjà été réalisée. Mais ce neurone n’est en rien signifiant isolément. Il est le sommet symbolique d’une pile de concepts organisée qui se cherche et se reformule en permanence dans les jeux des données sensorielles et sur la scène mentale auto-crée.

*

Références :

Le Code de la conscience, Stanislas Dehaene, Odile Jacob 2014

Face-selective neurons in the vicinity of the human fusiform face area, Vadim Axelrod, Camille Rozier, Tal Seidel Malkinson, Katia Lehongre, Claude Adam, Virginie Lambrecq, Vincent Navarro, Lionel Naccache, January 21, 2019, DOI: https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000006806

Philosophy of mind, Jaegwon Kim, Westview Press 2011

Brain-Wise Studies in Neurophilosophy, Patricia Smith Churchland, Bradford Book The MIT Press 2002

Consciousness An Introduction, 3rd Edition, Susan Blackmore and Emily T. Troscianko, Routledge 2018

Open Problems in Philosophy of Sciences, Pierouigi Graziani, Luca Guzzardi, Massimo Sangoi, SILFS Series, 2012

Expressivism, Pragmatism and Representationalism, Huw Price, Simon Blackburn, Robert Brandom, Paul Horwich, Cambridge University Press 2013

Free Will and Consciousness How Might They Work?, Edited by Roy F. Baumeister Alfred R. Mele Kathleen D. Vohs, Oxford University Press 2010

Mind and Cosmos, Why the Materialist Neo-Darwinian Conception of Nature is Almost Certainly False, Nagel Thomas, Cambridge University Press 1979

The Consciousness Instinct, Michael S. Gazzaniga, Farrar, Straus and Giroux 2018

Bridging the Gap between Life and Physics, Ron Cottam, Willy Ranson, Springer 2018

Cognition, Content, and the A Priori A Study in the Philosophy of Mind and Knowledge, Robert Hanna, Oxford University Press 2015

Explanation and Integration in Mind and Brain Science, edited by David M. Kaplan, Oxford University press 2017

Atoms of Mind, W.R. Klemm, Springer 2011

*

Laisser un commentaire