Les femmes, le désir et le consentement

Quel historique du désir chez la femme ? Quatre ères

1) Plaisirocène: époque archaïque de la condition féminine. Homme raptor. Sexe régi par des conventions sociales strictes. L’épouse ne trouve le plaisir au sein du mariage que par coup de chance. Effets secondaires: multiples infidélités, plus ou moins tolérées selon l’époque et le milieu culturel, permettant à la femme d’obtenir son plaisir et d’éventuels bénéfices supplémentaires. Parfois, les voies sont légales : au Moyen-Âge, l’épouse pouvait traîner devant les tribunaux religieux son mari impuissant.

2) Libéralisation des années 60: droit de dire oui à toute proposition. Révolte contre la morale bourgeoise. Mouvement de balancier un peu excessif, comme toutes les révolutions. C’était aussi la quasi obligation de dire oui, sauf à passer pour une pimbêche. Les hommes en ont surtout profité. Ils n’ont pas réellement abandonné le pouvoir.

3) Féminisme militant: droit de dire non. Le consentement est un impératif à préciser absolument avant toute relation. L’acmé procédurière de cette période est la vente d’un kit contenant tout le nécessaire pour une relation ponctuelle, y compris un formulaire écrit pour le consentement des parties.

4) Déboussolement: se dire peut-être. C’est la teneur du dernier livre de Katherine Angel, ‘Demain le bon sexe – Les femmes, le désir et le consentement’. L’essayiste britannique critique la notion de consentement comme produisant fréquemment du ‘mauvais’ sexe, soit nul soit traumatisant. Si même consentir de manière éclairée au sexe peut ruiner le désir, que reste-t-il ? Le conseil de Katherine Angel, se dire “peut-être”, montre à quel point le féminisme est déboussolé. Cette ‘forme interrogative du consentement’ replace la femme à mi-chemin entre le oui et le non, entre les ères (2) et (3) que j’ai citées. En quittant sa place trop précise, le désir se perd dans le brouillard.

L’historique du désir sous le double regard

En ascendance/ontologie, le désir est un assemblage de pulsions. Implicites. Il ne faut pas « vivre avec » (dit le regard descendant un peu méprisant). Elles sont par essence la vie. Carburant asséché ? Le désir fait place au regret. Un vieillard vit implicitement avec la réduction des pulsions, un jeune avec leur plénitude. C’est une donnée du problème, et non un réglage accessible à une correction consciente.

En descendance/téléologie, le désir provoque des évènements plus ou moins réjouissants. L’auto-observation consciente intègre plaisir sexuel et codes sociaux. Tandis que le bateau ivre des pulsions s’élance sur l’océan agité des rencontres, la conscience arrive avec son plan de route. Faut-il qu’il soit si catégorique ? Quatre ères de désir féminin subissent le poids du regard descendant. Les pulsions sont jugées. Peu importe ce que chacun éprouve, selon le contexte et le compagnon. Ce regard fusionne la totalité des individus et leurs expériences dans une interprétation commune. Dans le box des accusés se trouvent des milliards de cas différents, mais le juge n’en voit qu’un seul.

Plaisir étudié comme une feuille fanée, sans s’intéresser à la santé de l’arbre. Relation sexuelle en tant que masturbation par corps interposé. Conséquences d’un examen excessif des évènements de notre vie et celle des autres. Trop de finalité.

Vous avez lu en détail dans le post précédent la raison de ce défaut intrinsèque au regard descendant. Ce qui est invalidé n’est pas le regard en lui-même, mais son utilisation exclusive. Katherine Angel ébauche un retournement du regard. Est-ce la méthode adaptée ? Ses lectrices ne savent plus de quel côté regarder et le flou s’installe. Dois-je écouter mes pulsions ou ma raison ?

Remonter à l’origine du désir

Le regard ascendant complète le précédent. Avant de juger le croisement de mes pulsions avec celle du compagnon selon de grands standards culturels, je dois connaître les forces en présence. Ai-je pris la mesure entière de mes propres désirs ? Quelle est mon expertise des pulsions du sexe opposé ? Les raccourcis utilisés sont-ils les miens, ceux de mes proches, de mes maîtresses à penser ?

Citons brièvement quelques pulsions masculines : l’inséminatrice (la plus animale), la possessive (aussi affectée que peu affective), l’infantile (éjecté du ventre maternel et ne rêvant que d’y retourner), la paternaliste (moment de placer quelques jérémiades 🙂 Faut-il placer côte à côte ces pulsions, et hésiter devant elles comme si vous étiez au libre-service ? Ce serait une erreur. Les deux premières sont rigoureusement individualistes, les deux dernières fortement collectivistes. La relation que vous construirez sur chacune aura un visage bien différent. Peut-on parler de construire si l’on n’a pas bien identifié ses propres pulsions ?

Le rôle de cet article n’est pas de renforcer plus encore l’emprise de votre regard descendant. Il a déjà posé une camisole bien serrée autour du désir par intellectuelles militantes interposées. Le rôle de la conscience est de libérer le regard ascendant, le laisser simplement baliser la route. Flèches bleues et sens interdits sur le chemin des pulsions. Sans itinéraire précis. Mais avancer c’est aussi progresser dans la certitude que le chemin est pourri ou solide. Finirai-je sur des limites à ne pas franchir ? Ou à l’orée d’un panorama magnifique, relation que je voudrai passer une vie à explorer.

Le bon sens en soutien des pulsions

Direction ascendante = ‘bon sens’ ? C’est ce que semble indiquer la tribune en 2018 dans Le Monde réunissant 100 femmes, dont Catherine Millet, Ingrid Caven et Catherine Deneuve. La teneur du message, « reconnaître la limite et comprendre la différence entre flirter et aller trop loin », est bien celle du paragraphe précédent. Certes cela demande une réflexion plus conséquente que « balancer son porc », mais rappelons-nous que ‘réfléchir’ se marie mal avec ‘désirer’, sauf quand le premier met autant d’énergie dans ses nuances que le second dans son impulsivité.

Faut-il que ce soient les femmes aux désirs les plus traumatisés qui indiquent aux autres comment réaliser les leurs ?

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Synthèse SEXE et GENRE

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