Pourquoi ce besoin de haïr parfois nos très proches ?

Deux raisons contradictoires

Dans ‘Sur le double jeu du je t’aime’, Alexandre Lacroix propose deux explications au fait de haïr momentanément les personnes auxquelles nous sommes le plus liés. Soit nous cherchons à reconquérir une marge de liberté; soit au contraire nous nous identifions tellement à l’autre que nous devenons aussi intraitables envers lui qu’envers nous-mêmes. Nous avons pour lui une exigence de perfection qui ne supporte pas la moindre déception.

Que des raisons aussi contradictoires soient difficiles à départager indique qu’aucune n’est satisfaisante. En particulier rien n’explique pourquoi la haine n’annihile pas instantanément l’amour du très proche comme elle le ferait pour toute autre personne. Pour mieux comprendre, utilisons le mode de pensée de Surimposium :

Le troisième larron

Le couple a une existence indépendante. En effet chaque compagnon est soi-même d’une part, partie du couple d’autre part. Il existe au total 3 participants : 2 individus + 1 couple (fusion de ses parties, que j’appelle le troisième larron). Cette vision rend compte de l’implication asymétrique des membres du couple. Les deux ‘faire partie de’ ne sont pas équivalentes. Le réglage ‘être soi’ < > ‘être partie’ est spécifique à chaque individu. Le couple, en tant que fusion, repose souvent davantage sur l’un d’eux.

Pour chaque compagnon, ‘être partie’ empiète sur ‘être soi’ et vice versa. Que l’équilibre se déplace trop vers un extrême et nous éprouvons soit l’amour inconditionnel soit l’indifférence ou la haine. Un exemple typique est l’orgasme, plaisir extrême trouvé avec l’autre. Fusion complète. Je suis entièrement ‘partie du couple’. A l’inverse quand l’autre me dicte mes comportements ou mes manières de faire, mon ‘être soi’ est étouffé et se rebelle contre le ‘être partie’. Je hais l’autre en tant que symbole du couple et non pour lui-même en tant qu’individu.

Un conflit intérieur

Si la haine ciblait l’individu, elle me séparerait du compagnon. Mais elle cible cette partie de moi qui souhaite s’inclure dans le couple. Le conflit ne s’exerce pas contre l’autre, mais entre deux tendances à l’intérieur de moi. C’est pourquoi amour et haine peuvent alterner en moi sans menacer directement le couple. Bien sûr si la haine revient trop souvent, elle finira par me faire reprendre mon indépendance. La rupture ne s’accompagnera pas forcément d’une détestation de l’autre. La haine ou l’indifférence n’aura servi qu’à rendre son indépendance à mon ‘être soi’, déçu de son voisinage avec ce ‘être partie’. Ce qui ne préjuge en rien de ce qui surviendra dans un autre couple. Chaque “troisième larron” formé par les ‘être partie’ a sa personnalité…

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