Récemment j’examinais la théorie de la simulation sans y découvrir ni motif d’affolement ni intérêt pragmatique. Un complément est utile sous l’oeil du réductionnisme scientifique actuel. La science tend à faire de notre réalité complexe une simple émanation des processus fondamentaux, identifiés pour l’instant au niveau du pseudo-vide quantique. La science ne nie pas la sophistication remarquable des phénomènes générés par ces processus, jusqu’à la conscience, mais pour elle ils sont des effets secondaires, des “aspects” quelque peu illusoires puisque seules les interactions fondamentales ont une réalité indéniable.
En ayant fréquenté ce blog vous savez que je propose un point de vue nettement différent du réductionnisme. Cependant il est intéressant de considérer la théorie de la simulation de Bostrom avec cette approche majoritaire en milieu scientifique. En effet le réductionnisme fait clairement de la réalité une simulation en soi. L’Univers est un gigantesque calculateur quantique naturel, son activité produisant la simulation complexe que nous sommes. Nous pourrions dire que l’Univers rêve l’espèce humaine, et tout ce qui l’entoure.
La science affirme donc, officieusement, que l’Humanité est par nature une simulation de la mécanique quantique. Que fait alors Bostrom en impliquant des aliens dans notre programmation ? Il propose une alternative religieuse. Il tente de garder le pouvoir de création à des êtres supérieurs plutôt qu’à la Nature. Mais que sont ces aliens, eux-mêmes, d’après la science réductionniste ? Des simulations également. Rien d’autre que des émanations plus anciennes de la mécanique universelle. Une illusion plus âgée.
Avec cet éclairage Bostrom fait de l’Humanité une simulation enfantée par une autre simulation. Progéniture qui ressemble davantage à ses parents qu’un simple programme informatique. Ouf ! Nous nous retrouvons à nouveau dans notre ascendance. Un alien a remplacé le Vieux Barbon assis sur son nuage. Mais le lien matériel avec notre Univers est plus fort qu’avant. Spectres perdus dans l’espace, nous avons retrouvé les fantômes qui nous ont engendrés. Merci, cher Bostrom…
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Depuis que j’ai lu votre précédent papier sur ce sujet je constate que l’hypothèse (qui n’en est pas une) de Boström fait à nouveau débat. Fort heureusement certains experts comme des physiciens de l’Université d’Oxford semblent mesurés et tentent de démontrer qu’il est impossible de créer une simulation de notre monde. D’autres comme
Carlo Rovelli balayent la question, quand on l’interroge, en n’y voyant que du non sens.
Aussi je pense que dans ce type d’approche il est préférable d’éviter de viser la Science dans son ensemble, car la thèse revisitée de la simulation de Bostrôm n’est ni appréhendée , ni défendue par l’ensemble de la sphère scientifique. es Les scientifiques qui s’agitent autour de la question , n’en sont pas pas moins humains en se plaçant au rang des grands questionnements métaphysiques qui agitent l’espèce humaine : le « qui suis-je, où vais-je » qui remonte à la nuit des temps feraient place au : « ne suis-je que le rouage d’une simulation virtuelle »? Pour autant leur questionnement serait-il si prégnant qu’ ils en oublieraient la nature biologique qui les constitue( pensent-ils que la digestion , la déféquation, …la procréation soient virtuelles )?
N’assisterait t’on pas là à une dérive, pour l’instant marginale, prenant sa source dans l’inexpliqué de certains phénomènes de la physique quantique?
Pour conclure : je trouve dangereux que ce type d’abstraction et les débats scientifiques qu’elle entraine fasse l’objet de publications dans des revues de vulgarisation car au stade où elle en est elle ne relève que d’une » croyance ». Sa teneur pourrait avoir un fâcheux impact pour tout esprit non enclin à la distanciation( je pense notamment aux jeunes qui surfent sur la toile).