Comment ça matche

Avant de lire

Pré-revue d’un livre que je n’ai pas encore ouvert. Quel intérêt ? Celui de savoir si un ouvrage part de la bonne base. En effet les techniques modernes d’appariement des gens se fondent a priori sur la réussite de ces accouplements. Ce positivisme élémentaire n’est-il pas déjà de trop ? N’est-ce pas réduire notre envergure sur le monde au lieu de l’ouvrir ?

Je m’explique. Lorsque je rencontre quelqu’un par hasard, personne ne me met le pied à l’étrier. Je sais que la vie est un perpétuel conflit d’egos, que se socialiser est un engagement énergique dans la gestion de ces conflits. Terrifiant chaos, si je les contemple tous ! Heureusement une série de cercles collectifs m’entoure, de la compagne à l’ensemble de l’humanité, chacun doté de ses règles propres. J’ai une envie « d’appartenir à » qui me pousse hors de mon individuation solitaire. Être soi n’a pas grande signification sans un non-Soi très riche pour lui répondre.

Je m’équipe

Cette envie me sort de moi. Une aventure ! Quel chemin prendre ? Vais-je me fier à mon instinct ou aux conseils d’autrui ? Supposons que je n’aie pas trop confiance en moi, après avoir essuyé de méchantes déconvenues. Comment vais-je retrouver cette confiance si je délègue la tâche ?

Je me fie à un algorithme pour réduire le risque. Dans une ville fort peuplée c’est presque obligatoire, n’est-ce pas ? Tellement d’esprits bizarres l’habitent. C’est comme si j’étais dans la capitale d’un empire galactique, environné d’une foule d’espèces extraterrestres. Je cherche à entrer en contact avec les rares humains qui me ressemblent.

Mais qu’est-ce qu’un humain ? Est-ce seulement une apparence physique ? Suis-je moi-même une entité figée, ou évolutive, susceptible de s’agrandir ? N’ai-je pas, justement, décidé de sortir de moi ? À quoi sert-il d’y retourner immédiatement ?

Sans coach

À vrai dire peu importe que l’algorithme me rende service ou non. Le problème est que s’il échoue je vais m’en prendre à lui et non à moi. Je me défausse à l’avance de toute responsabilité dans l’issue de la rencontre. Pourquoi y mettrais-je beaucoup d’énergie dans ces conditions ? Pourquoi se montrer attentif ? Aucune menace.

C’est comme si je sortais dans une rue emplie de mannequins. Je peux dire mon texte, répéter quelques pas de danse avec eux, même faire l’amour s’ils sont équipés. Tout cela ne m’engage à rien. Je suis sorti, mais reste dans mon théâtre intérieur. Je ne suis pas arrivé dans la vraie vie. J’habite une ville pleine de théâtres, et personne ne circule vraiment à l’extérieur.

Les algorithmes qui nous matchent ? Peu importe leur efficacité, ils sont par définition une perte de pouvoir. Des lunettes qui filtrent la réalité. Nous empêchent de voir ce qui, dans n’importe qui, a aussi envie « d’appartenir à ». Et d’aller s’y fondre. Voir si cela produit un troisième

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La société du “match”, Philomag

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