Abstract : Le virtualisme est une vague qui submerge le réel. Il n’existe pas d’autre réalité que celle, personnelle, de notre univers mental. Le métavers surfe sur cette vague, promettant d’étendre notre pseudo-réalité plutôt que la remplacer. N’y aurait-il aucun intérêt à séparer le réel du virtuel ? L’article montre que nous sommes intimement conçus pour faire cette distinction et que la perdre serait un appauvrissement identitaire. Le virtualisme n’est que le grand retour du solipsisme, dans un monde jamais suffisamment contrôlé pour que l’indépendance du réel puisse être oubliée.
Partie 1: Le virtualisme ou la résurgence du solipsisme
Structuralisme virtuel
Tout ce qui existe pour nous, réel comme virtuel, est décrit intégralement en termes de niveaux d’information. Il n’y a pas d’autre manière de le décrire avec autant d’exhaustivité. Certes la vision structuraliste laisse de côté la substance des choses et les expériences mentales, mais cela ne la gêne pas pour fonctionner. Nous pouvons modifier les substances et les pensées en appuyant sur les boutons adéquats, même étant incapables d’expliquer ces phénomènes.
La frontière entre réel et virtuel s’estompe. Elle disparaît complètement dans Surimposium, une théorie qui fait la continuité entre les niveaux d’information de la matière (Materium) et ceux virtuels édifiés par les réseaux neuraux (Stratium). Cette continuité n’est pas seulement théorique. La technologie prend possession des vastes espaces virtuels nouvellement ouverts à la colonisation. Dans le sillage des Métavers commerciaux suit une bande de scientifiques et philosophes convertis. Le Courrier International du 30/06/22 leur consacre un dossier :
Le courant virtualiste
Le philosophe David Chalmers est interviewé dans Prospect. Il affirme que la réalité virtuelle est aussi authentique que le réel. Pour lui, nous subissons un élargissement de notre monde intérieur voisin de l’invention du téléphone, qui a mis à portée d’oreille et de voix des gens qui ne l’étaient pas. Les avatars vont devenir aussi réels que l’interlocuteur au bout du fil. Difficile pour la génération qui faisait la différence, évident pour ceux qui grandissent avec les réalités virtuelles.
Le neuroscientifique Anil Seth est dans New Statesman. Il est convaincu que la réalité est une hallucination contrôlée. Hallucination personnelle, que nous tentons de mettre en accord avec celle de nos congénères. Chacun est enfermé dans son monde virtuel et s’il existe un monde physique réel, il est peut-être très différent de ce que nous imaginons. Seth laisse aux physiciens la responsabilité de leurs théories.
Le grand retour du solipsisme
Dans ces deux discours, l’indépendance du réel est dénigrée. Voire son existence est remise en question, puisque s’il existe il est inaccessible. Impossible d’affirmer que nous ne sommes pas dans une simulation. Donc si tout peut être virtuel, pourquoi s’embarrasser de la possibilité du réel ? Créer des univers virtuels étend plus efficacement notre monde qu’enquêter sur un réel indémontrable.
Mes lecteurs philosophes auront reconnu là le grand retour du solipsisme. Seul existe mon univers intérieur. Je suis ma simulation et tous les paramètres y sont inclus. Ma virtualité est le Tout et il n’est plus nécessaire d’inclure un réel extérieur. Triomphe de l’individuation qui a réussi à absorber le collectif.
Le virtualiste n’est pas réaliste
À qui s’adressent ces prophètes ? Le clan des solipsistes est restreint. Ne les confondons pas avec les misanthropes, qui sont dans le rejet des personnes et non la dénégation du réel. La majorité d’entre nous est toujours persuadée qu’il existe un vrai monde séparé de l’imaginaire. Mais ferons-nous encore cette différence si nous emboîtons le pas aux solipsistes ? Cela veut-il dire que notre vision actuelle est fausse, que nous nous sommes toujours trompés en séparant le virtuel du réel ? Et si c’est le cas, pourquoi avons-nous créé cette séparation ? Ou plutôt, pourquoi l’évolution a-t-elle sélectionné cette capacité du mental chez nos ancêtres ?
Questions insidieuses qui vous font deviner où je veux en venir. Aujourd’hui, la majeure partie des humains qui mélangeraient réel et virtuel auraient une espérance de vie très faible. Cette confusion n’est possible que dans un environnement très protégé, assurant le confort et la subsistance des metaversiens. Le solipsiste convaincu est un intellectuel qui n’a pas besoin de se chercher un dîner.
Se débarrasser du réel infantilise
La question “La frontière réel/virtuel est-elle arbitraire?” est indissoluble de “Cet arbitraire est-il nécessaire?”. En les séparant, Chalmers et Seth nous livrent une vision réductrice de la réalité. Ils promettent une emprise plus complète sur le monde, des perspectives de contrôle quasi divin même, mais seulement en rétrécissant la réalité à ses aspects que nous pouvons contrôler. Le résultat potentiel est un esprit infantilisé et moins adapté au réel, parce que le confondant justement avec un virtuel facile à corriger.
La continuité ontologique
Le discours de Chalmers et Seth est ontologique. Effectivement dans cette direction, celle du regard ascendant, la réalité physique s’organise spontanément en réalité virtuelle. Et ce bien avant d’atteindre la complexité du cerveau humain. Un changement de réalité est un changement de cadre. Or le cadre n’est figé que par les éléments qui le créent. Montrez-moi des éléments en interaction avant que nous parlions de réalité. C’est de la leur que nous allons discuter. Le cadre spatio-temporel n’est pas universel, seulement de vraiment grande taille. Mais inapte à décrire la dimension complexe.
Une bactérie dotée de particules ferro-magnétiques ne vit pas dans un espace à 3 dimensions équivalentes mais dans un cadre nord-sud et 2 sens de déplacement qu’elle sépare très bien. Son cadre virtuel est différent de celui de ses organites, sans qu’elle possède de traitement mental de l’information.
Tous les cadres sont intriqués dans une seule réalité. Le regard ascendant montre une succession d’organisations, des quantons aux organismes vivants, indissociable au point de sembler continue.
La discontinuité des modèles téléologiques
Se restreindre à l’ontologie est un enfumage. Dans l’autre direction du regard, téléologique ou descendante, la nécessité de séparer les cadres virtuels est évidente. Ce regard représente, modélise, prédit. Existe-t-il une équation universelle de la réalité, dont il pourrait s’emparer pour la dérouler ? Non. Même si nous la trouvions à l’origine de Tout, imaginons le travail pour la calculer sur quelques milliards d’années ! Pragmatiquement nous modélisons les cadres virtuels utiles à contrôler notre environnement. Minuscule partie de l’univers. Ces cadres n’ont même pas besoin d’être reliés. Le profane en physique se débrouille malgré son ignorance pour déplacer son lot personnel de particules au milieu un ensemble vraiment plus grand, en ne perdant que quelques squames au passage.
Nous étendons nos modèles dans deux champs : 1) Le champ horizontal, où tous les éléments semblent appartenir à un même système, par exemple des microbes dans un milieu liquide. 2) Le champ vertical, où les éléments participent à plusieurs systèmes imbriqués, par exemple des humains qui sont à la fois parents, travailleurs, citoyens, personnes morales, etc.
Seul l’arbitraire permet de saisir le réel en s’en décalant
Les éléments sont constitués, dans le champ vertical, d’un grand nombre de niveaux de réalité. Se concentrer arbitrairement sur chacun d’eux est nécessaire pour le modéliser correctement dans le champ horizontal. En fait définir des “éléments” est déjà arbitraire. Quel sont les éléments d’un corps humain ? Ses molécules, ses cellules, ses organes ? Impossible pourtant d’éviter l’arbitraire dans la démarche de représenter. Il s’agit justement de reconnaître l’arbitraire du cadre que ces éléments ont eux-mêmes créé.
Créer de l’arbitraire est le fondement du processus mental. Il sépare les couches de réalité pour mieux les modéliser. La tâche est de faire correspondre, le plus précisément possible, représentation et objet, scène mentale et cadre de l’objet. Deux niveaux virtuels, l’un mimant l’autre et apprenant son langage, l’autre lui répondant si le langage est juste.
En résumé si le regard ascendant nous montre une réalité fusionnée, continue dans sa suite de corrélations, le regard descendant montre au contraire une multitude de séparations virtuelles qui sont sa seule chance d’exercer un contrôle sur le monde.
Attention au réductionnisme
Ni Chalmers ni Seth ne sont des spécialistes de la complexité. Que Seth s’arrête au regard ascendant n’est pas surprenant chez un neuroscientifique. Il ne voit pas d’où pourrait descendre un regard téléologique, une causalité qui serait indépendante du fonctionnement neural. Son “hallucination contrôlée” est le paradigme du système neural vue isolément.
La réduction opérée par Chalmers est plus étonnante chez un philosophe. Contrairement à Seth il croit à un phénomène conscience irréductible à l’activité neurale. Mais comment croire à une conscience qui ne serait pas de quelque chose, dans quelque chose, séparée de sa réalité ? En adoptant ‘le tout virtuel’ du regard ascendant, Chalmers tombe aussi dans le dualisme radical, indéboulonnable, d’une conscience totalement étrangère au fonctionnement neural. Cette conscience-là n’est guère éloignée de l’épiphénomène des éliminativistes, car elle n’a aucune relation avec son support physique.
Chalmers et Seth voient le monde comme un ensemble de virtualités neurales et le phénomène conscience comme virtualité d’un autre ordre, hypothétique chez Seth et parfaitement incompatible avec celle des neurones chez Chalmers. Tout cela n’a rien d’une révolution par rapport au dualisme classique. Le virtuel a gobé le réel et effacé la séparation corps/esprit, mais le problème de la conscience n’est pas résolu. Le modèle a au contraire franchement perdu de sa finesse puisque les besoins du corps et de l’esprit ne sont plus séparés. Il suffit, semble-t-il, de leur trouver la nourriture virtuelle adaptée…
Partie 2: Pourquoi un réel séparé du virtuel?
Réponse dans la complexité
Reposons la question que nos prophètes du virtuel ont esquivée : Pourquoi la séparation du virtuel et du réel est-elle absolument indispensable ? La réponse se trouve dans la complexité et dans l’un de ses enfantements : la temporalité.
Dans la complexité, une représentation n’est jamais le sujet. La représentation est la simulation d’un niveau d’information du sujet. Elle est satisfaisante quand elle reproduit le comportement du sujet à ce niveau, sans être le sujet. C’est une approximation.
Puisque seul compte le niveau d’information simulé, la constitution du simulateur peut être complètement étrangère à celle du sujet. Un ordinateur peut modéliser complètement une entité biologique avec des composants inertes, aucun constituant biologique. Pourquoi dit-on l’entité biologique réelle et sa simulation virtuelle ? Quel intérêt de faire cette discrimination puisque les informations sont les mêmes et que pour la vision structuraliste tout est information ?
Le réel est auto-poïétique
Il existe une différence capitale dont même un bébé acquiert très tôt l’intuition. Le comportement de l’entité réelle est autonome, tandis que le simulateur est programmé par une intention extérieure en vue d’adopter le même comportement. L’entité réelle est mue par son ontologie propre, la virtuelle est esclave d’une téléologie supérieure.
Comment puis-je affirmer qu’un bébé fait déjà la différence ? Il est capable de reconnaître son image dans le miroir comme une simulation. Elle reproduit les informations de ses gestes, postures, mimiques. Le bébé n’entame pas pour autant une relation interpersonnelle avec son reflet. Cette entité n’est pas réelle.
Réponse dans la temporalité
Virtuel, notre univers intérieur n’est pas pour autant contrôlé. La tâche du mental est de prédire ses évolutions et s’auto-modifier si les prédictions sont fausses. Il a donc une temporalité, une existence certifiée dans le passé, à certifier par le futur.
Annuler le réel change cette temporalité. Désormais le virtuel englobe tout. Aucun réel ne vient lui faire échec. Le futur est également certifié. L’esprit virtuel est éternel, et ce faisant perd sa temporalité.
Une entité autonome est intégrée
Une entité réelle est donc autonome dans son organisation et ses prédictions, tandis que le virtuel désigne une simple couche d’information au sein de l’ensemble. Ce niveau virtuel peut s’étendre bien au-delà de l’entité. Comment celle-ci se délimite-t-elle par rapport aux autres qui partagent le niveau ? Elles ne sont pas forcément en interaction. Tous les êtres humains fonctionnent sur le même métabolisme mais chaque univers métabolique est unique. Deux humains qui se croisent ont des interactions à de multiples niveaux d’information mais ne partagent pas leur métabolisme. Si l’un faillit l’autre n’est pas impacté.
Par contre à l’intérieur d’un être humain, les niveaux métaboliques sont intriqués. Que l’un d’eux soit déséquilibré ou détruit menace tout l’édifice. Une entité réelle se définit donc par l’intégration de ses informations et cette intégration délimite son indépendance vis à vis d’autres entités.
Le virtuel est un placage sur un support réel
L’autonomie d’une entité réelle la rend à la fois fragile et résiliente. Si vous faites exécuter une simulation métabolique erronée à un ordinateur, ça ne lui fait pas grand mal. Tandis que l’entité biologique meurt. Mais si l’ordinateur tombe en panne, la simulation métabolique s’arrête définitivement. Tandis que l’entité vivante s’auto-répare. Sa survie dans un milieu complexe lui fait adopter une telle versatilité de comportement que nous lui attribuons le label ‘intention’. Label que nous refusons à l’ordinateur. L’intention est celle du programmateur.
La ‘réalité’ d’une chose vient de l’autonomie et de l’intégration de sa constitution. Tandis que la ‘virtualité’ désigne un niveau d’information suspendu, imposé à son support matériel au lieu d’être généré par lui. Un ordinateur est réel dans sa constitution physique mais virtuel au niveau des informations qu’il traite, étrangères à cette constitution. Une bactérie est réelle, entièrement intégrée de son génome à son comportement.
Partie 3: Le cerveau assembleur de réel et virtuel
Le cas plus difficile du cerveau
Le cerveau est une entité plus délicate à traiter. Sa constitution physique est réelle. Mais ensuite les réseaux neuraux continuent à empiler les niveaux d’information, comme détaillé dans Stratium, jusqu’à l’espace conscient. Ces niveaux sont-ils réels ou virtuels ? Je prends le parti de dire qu’une partie des données forme des niveaux réels et d’autres sont virtuels. Pourquoi ?
Les niveaux réels sont générés par les signaux corporels. Ils sont intrinsèques à l’organisme. Les représentations corporelles générées respectent donc les propriétés d’autonomie et d’intégration par lesquelles nous avons défini le réel. L’identité corporelle est réelle. C’est la partie de ‘Moi’ qui affirme son existence même si je ne pense à rien de précis. Cette réalité est permanente.
Les niveaux virtuels sont générés par les données sensorielles. Elles contiennent une foule de régularités qui sont des propriétés de l’environnement, pas de mon corps. Les représentations générées sont le ‘non-Moi’, les influences extérieures. Elles ne concernent que des informations partielles sur les objets extérieurs. Je peux simuler beaucoup de choses dans le non-Moi mais pas y héberger une entité dans son intégralité. Sa constitution n’est pas la mienne. Alors que la constitution du Moi est entièrement la mienne.
Virtuel partageable et réel propriétaire
Je peux partager des représentations du non-Moi, appelées mèmes, avec des congénères et supposer raisonnablement qu’elles sont identiques car elles sont virtuelles, déconnectées de leur support neural, faciles à codifier par un langage commun. Par contre impossible de partager l’expérience du Moi, qui m’est entièrement personnelle, intégrée jusqu’à mes particules. Tout au plus puis-je supposer qu’un être possédant la même constitution que moi doit éprouver une expérience du même ordre. Nous pouvons la désigner d’un mot, comme ‘peur’ ou ‘joie’. Mais ce que nous partageons est une désignation virtuelle de l’expérience réelle, pas l’expérience elle-même.
Le tout-virtuel ne remplace pas le réel, il l’ignore
À ce point de notre discussion la différence entre réel et virtuel apparaît fondamentale, inscrite dans la structure même de l’esprit. L’évolution nous a naturellement permis de dissocier mentalement ce qui nous est personnel en tant qu’entité autonome et ce qui est extérieur, propriété de l’environnement. Où mènerait l’effacement d’une telle séparation, ainsi que l’envisagent les commerçants du métavers ?
Un esprit dans un métavers a encore une réalité corporelle mais n’en tient plus compte. Il promène une image de soi virtuelle dans un monde simulé. Son univers est entièrement virtuel, ce qui n’est pas le cas hors du métavers, malgré les affirmations de Chalmers et Seth. Nous venons d’en voir les raisons. Dans cet univers virtuel, rien n’est personnel. L’image de soi a été fabriquée par le milieu social et le monde du spectacle. Le métavers dévide un scénario idéalisé. L’esprit est l’acteur programmé de ce film plein de rebondissements, en fait tous prévisibles. Et s’ils ne plaisent pas il est possible d’en changer.
L’esprit est devenu simulation de lui-même. Ceux qui ont parié que l’univers réel est une simulation referment la boucle. Leur univers l’est en effet complètement. Le corps n’est plus qu’un vestige biologique gênant et vulnérable, dont il faut stimuler les terminaisons nerveuses pour continuer à éprouver le réalisme du scénario. Le cerveau n’est plus l’organe destiné à améliorer le sort du corps biologique. Il s’est enfermé dans un solipsisme exclusif.
Attention aux organes-zombies!
Imaginons ce qui pourrait survenir si d’autres organes décidaient de faire la même chose. Après tout chacun d’eux dispose de son propre système nerveux. Coupons-le du tyrannique contrôle encéphalique et regardons ce qui se passe.
Le tube digestif bénéficie du beau soutien de cent millions de neurones. Objectif ? Se nourrir. Faites attention si vous en croisez un isolé. Aussi dangereux qu’un zombie. Il ne “pense” qu’à se précipiter sur vous pour vous ingurgiter. L’organe génital à présent : pas de mental mais pourtant un rôle de premier plan. Vérifiez votre phénotype sexuel avant de passer devant un organe isolé. Contrôlez aussi votre épandage de phéromones. Peut-être éviterez-vous l’agression.
Un cerveau occupé seulement à étoffer son monde imaginaire, c’est-à-dire exercer sa fonction sans coopération avec le reste, est aussi dangereux qu’un zombie ou un violeur. Il confond ce monde avec le réel et ses prédictions sont fausses. Le réel a sa propre virtualité indépendante de la nôtre. Et souvent aussi inaccessible que le réel en soi. Dire que tout est virtuel ne fait pas une communauté de ces mondes virtuels, le nôtre et celui du réel.
Se séparer du réel pour le saisir, ou le quitter?
Repeindre le réel avec du virtuel est intéressant pour le comprendre mais ne change rien à la manière dont nous devons l’aborder. Le conflit est incessant car notre compréhension reste partielle. Le moyen de le contrôler est de séparer nos représentations de son essence, non de les identifier à lui. La génération du monde est moniste mais les résultats forment une séquence qui est une myriade de dualismes.
Sept milliards de solipsistes font une espèce qui n’est plus humaine. Et sa philosophie n’en est plus une. C’est là où nous dirige la conception actuelle du métavers. Elle n’est pas l’élargissement spirituel que nous promettent les prophètes du tout virtuel. C’est au contraire la voie de la réduction et du clonage mental, puisque nous serons tous programmés par les mêmes algorithmes. Actuellement les plus riches connus sont, de très loin, ceux du réel. Pourquoi les abandonner ?
Définitions finales du réel et du virtuel:
Est réelle, ou naturelle, ou libre, une entité faite d’information intégrée depuis l’origine de sa constitution, non limitée en matière de progression dans la complexité.
Est virtuelle, ou artificielle, ou liée, une entité programmée pour un objectif qu’elle ne peut comprendre, car l’intention est d’une complexité supérieure à la sienne, et elle ne dispose pas des moyens pour l’atteindre.
Dans la différence siège aussi la possibilité de conscience ou non. Autre grand sujet que je vous encourage à découvrir sur la page dédiée.
Notez que la computation d’un ordinateur courant le classe dans les entités virtuelles. Tandis qu’une IA conçue pour simuler le cerveau peut atteindre une complexité comparable et donc, potentiellement, modifier son support physique pour atteindre une intégration complète. L’humain réel peut se réduire à un simulacre virtuel, en se coupant de son information intégrée corporelle. À l’inverse, l’IA virtuelle peut devenir entité réelle. La conscience changera-t-elle de camp ?
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Where simulation ends and reality begins: an interview with David Chalmers, 2022
Is reality a hallucination? The neuroscientist Anil Seth thinks so, 2022