Vous avez confiance en vous ?

Cédric Enjalbert regarde des ados jouer au foot, qui sont bientôt imités par un petit blondinet perché en haut d’un escalier de briques. Il s’agite avec sa propre balle, menaçant de dégringoler sous le regard tranquille de sa nourrice. « Attention à la marche ! », ne peut s’empêcher de lancer Cédric, et la nounou de répondre : « Il faut bien qu’il apprenne à tomber. Un garçon, s’il n’a pas confiance en lui, ce n’est pas un garçon. »

Cédric n’est pas content. Il voit dans cette réponse un effet de la culture patriarcale. La confiance n’est pas une vertu virile, pense-t-il. Elle se trouve effectivement dans la prise de risque, mais cela veut dire sortir de soi, des stéréotypes que la société voudrait nous imposer. La confiance en soi n’est pas être sûr de soi. Et Cédric de conclure que nous devrions « nous inspirer du naturel des gamins, pas encore passé à la moulinette des conventions. »

Notons que notre jeune philosophe s’est un peu perdu dans les retournements de son discours et qu’il donne ainsi raison à la nourrice, qui justement laisse aller le naturel du gamin. La saute d’humeur de Cédric serait-elle liée à l’allusion à la virilité ? Mais son erreur principale est de confondre le poids des stéréotypes chez le vieux, l’adulte mûr, l’adolescent et le jeune enfant. Poids en ordre fortement décroissant. Certains vieillards semblent mériter un lavage de cerveau tant ils sont englués sous la chape des poncifs culturels datés. Tandis que les enfants sont une ardoise vierge. Comment sortir de soi quand il n’existe pas encore d’identité particulière d’où sortir ?

Tout individu se construit sur des mimétismes, les plus répandus étant par définition des stéréotypes. Sans ce fond identitaire, un enfant reste sauvage, incapable de s’insérer dans sa culture. L’éducation n’est pas de protéger les enfants de stéréotypes qui font polémique aujourd’hui, c’est de lui en inculquer une profusion, de varier les personnes avec lesquelles il échange, de manière à multiplier ses sources d’information, construire son équilibre spécifique au sein de cette exhaustivité.

L’endroit dangereux n’est pas le haut d’un escalier qui ouvre sur le monde, c’est la famille nucléaire, la secte, le gang, le réseau social isolé par son conspirationnisme. C’est aussi l’apprentissage trop jeune de la philosophie, car pour remettre en question les stéréotypes il faut déjà en avoir une assemblée cohérente, ce qu’on appelle une ‘identité’.

L’enfant n’est pas un mini-adulte, qui aurait déjà son âme, et qu’il faudrait éviter de pervertir. Voilà le seul stéréotype à abandonner définitivement.

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Vous avez confiance en vous ? Philomag
Enseigner la philosophie aux enfants?

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