Synthèse MORALE

Notre morale repose sur l’intuition avant l’idéal. Le petit enfant la construit déjà sans avoir reçu de consignes à ce sujet. Avantage: tout humain se rend propriétaire de sa morale, l’ajuste aux aléas et la personnalise à son environnement. Inconvénient: la vie en société impose un consensus difficile avec une telle diversité de morales individuelles.

Apparaît ici le conflit individu/collectif, ou principe T<>D, qui fonde un grand nombre d’analyses sur ce blog. En illustration, commencez par lire:

Une solution satisfaisante au dilemme du wagon fou?

La solution utilitariste à ce dilemme est de sauver le maximum de vies individuelles. J’attaque vivement cette position car nous verrons plus loin qu’elle est faussement collectiviste. Puis un dossier de 4 articles vous emmène…

À la recherche d’un principe moral fondamental

1) Montons à bord de la tramwayologie avec David Edmonds, auteur de Would you kill the Fat Man? Il détaille les variantes du dilemme du wagon fou (du tramway), ses interprétations philosophiques et ses connexions avec les neurosciences de la morale. S’en dégagent des choix faits personnellement par les philosophes convoqués mais aucune théorie normative. Est-ce une chasse gardée qu’il faut continuer à protéger ? La morale est-elle une espèce en voie de disparition ? Ou bien le conflit T<>D, soliTaire vs soliDaire, peut-il nous servir de fil conducteur ?

2) Les biais cognitifs sont-ils niais ? interroge le 2ème article. Puisque certains font des choix moralement douteux, c’est un procès fait à l’intention. Pour sauver la malheureuse qui nous est bien utile, soit nous l’escamotons (mort sans intention de la donner), soit nous lui trouvons des circonstances atténuantes : les biais cognitifs. C’est une morgue du regard descendant qui disculpe l’aristocratique conscience en accusant le petit personnel inconscient. Cherchons plutôt les amoralités dans les déséquilibres du T<>D, les D affaiblis, autrement dit les défauts d’empathie. Soulignons cette faiblesse dans les courts de justice, plutôt que croire la raison des gens déficiente, et l’encadrer par une multiplication stérile de lois.

3) Comment établir la responsabilité morale individuelle ? Le 3è article examine la neuroscience de la morale et le cas d’un délinquant sexuel guéri par ablation d’une tumeur cérébrale. Peut-on se défausser de sa responsabilité sur des liaisons neurales ? Question stérile qui ouvre la porte à un fanatisme du regard descendant, avec un eugénisme qui voudrait éliminer dans nos chromosomes les déviances mentales. La morale est au carrefour de l’innocence implicite et de la responsabilité explicite. Comme la société n’a pas les moyens de personnaliser le niveau de responsabilité, c’est à chacun de le faire. À chacun de réclamer ses droits quand il se sent prêt à assumer les obligations attachées, au lieu de recevoir le package complet à sa majorité, un parachutage déclenché par 18 rondes de la Terre autour du Soleil.

4) Le 4ème article explique pourquoi l’utilitarisme est fondamentalement vicié et ne peut guider nos choix moraux. Il traite le collectif comme une entité vivante dont les cellules individuelles seraient sacrifiables. Non, les individus seuls ont la possibilité d’offrir leur vie unique. La société est une gestionnaire des ressources et non des vies. Elle est supérieure aux egos mais pas aux individus dans leur complétude. La divinisation du collectif par la philosophie utilitariste a causé la régression de la solidarité authentique, qu’on attend désormais de l’entité suprême, l’État, plutôt que l’exercer soi-même.

Continuez avec 3 articles plus anciens et plus courts, qui vous emmènent dans…

3 dimensions de la morale

1) La dimension humaine, illustrée par une histoire de carte d’handicapé. La morale est affaire de réglage entre intérêt individuel et collectif. ‘Bon’ est étymologiquement celui qui s’anoblit, qui élève son esprit au-dessus de sa condition égotiste. Mais y parvenir ne relève plus de l’élan personnel. Les paroles simples et universelles des prophètes ont été remplacées par une camisole de lois illisibles et impersonnelles.

2) Deux dilemmes nous plongent dans la dimension temporelle de la morale, l’éradication définitive du virus de la variole et l’utilisation de CRISPR-Cas pour reprogrammer notre génome. Quelle étendue de prédiction doit peser sur nos choix ? La morale est encomplexée quand la complexité des facteurs ‘bons’ et ‘mauvais’ s’inscrit en elle, et que l’ignorance générée sait nous positionner sur ‘neutre’.

3) Rapprochement audacieux de la dimension complexe de la morale avec la profondeur logique de Bennett. L’évolution biologique serait une augmentation de la profondeur d’information, soutiennent des spécialistes de la complexité. La morale serait un principe équivalent à une maximisation de la profondeur logique. L’extinction des derniers représentants d’une espèce rare semble plus immorale que la mort d’animaux courants parce que la perte des premiers diminue la profondeur d’information de l’écosystème, pas celle des seconds.

Cependant la diversité n’est pas en soi le principe fondamental de la morale. Nous l’avons mieux saisi dans le conflit individu/collectif, qui affirme ici son universalité.

Les grands débats de la morale

Les neurosciences dans le droit

Quelle est la responsabilité juridique d’un accusé quand une IRM cérébrale montre des anomalies du cerveau ? Une origine dite ‘organique’ d’un comportement anormal suffit-elle à le disculper ? Trancher est assez facile quand il s’agit d’une tumeur, très litigieux quand des neuromédiateurs sont trouvés en quantité inhabituelle. Cause ou conséquence ? Même quand une cause génétique peut être identifiée, le réseau neural conscient n’a-t-il pas pour rôle d’ajuster ces déviances innées à son environnement, aucun génome ne représentant la norme ?

Moi, chercheur, malhonnête?

Des chercheurs américains testent le comportement des étudiants par des jeux de dés et de sommes à gagner. Ils tombent sur un résultat contre-intuitif : ceux qui se disent attachés à une règle morale intangible (les déontologues) se montrent plus malhonnêtes dans les jeux que ceux qui tentent de maximiser le bien-être général (les utilitaristes). Je montre comment des biais majeurs et volontaires dans l’étude tronquent son résultat. Je conclue que s’il est facile de nous transformer tous en bons utilitaristes scolaires, être déontologue est un cheminement de vie jamais abouti.

Expliquer le mal n’est pas le justifier

Susan Neiman dans ‘Penser le mal’ condamne une démission de la philosophie contemporaine à propos du mal. Elle considère l’Holocauste comme un mal tellement exorbitant qu’il oblige à une refonte complète de l’éthique, plutôt que se contenter de déconstruire l’Histoire du monde. Nous pourrions ainsi nous déculpabiliser d’appartenir à l’espèce qui a inscrit de telles abominations à son actif. Je montre que Neiman est un exemple flagrant du regard descendant exclusif, celui du jugement (dernier), qui veut déprécier et réduire à néant le regard ascendant ou constitutif. De toutes les règles, les morales ont le moins vocation à être imposées. Elles doivent être au contraire portées par chacun d’entre nous. Le collectif est un rétro-contrôle destiné à favoriser la spontanéité morale avant de fustiger ses dérives. La morale est ascendante, constitutive. Les punitions “descendent” quand la dérive est avérée, “avérée” voulant dire très largement consensuelle dans la direction ascendante, constitutive du collectif.

Peut-on faire de la morale sans morale ?

Faire de la morale sans morale c’est avant tout redonner toute sa dimension véritable à la morale proprement dite, cesser de l’aplatir sous nos pas pressés, lui redonner du volume, de l’étendue dans l’espace de vie social, et pas seulement la cantonner aux volumes du Code juridique. Luttons contre le réductionnisme de l’éthique au juridique de la même manière que nous luttons contre celui du comportement à la génétique.

Quand la science prend ses aises avec le symbolisme racial

Les symboles culturels ne sont pas retrouvés dans la biologie, ce qui ne les rend pas illusoires pour autant. Par exemple le concept de race ne faisait en rien référence aux gènes, inconnus à l’époque de sa création. Certains auteurs dénigrent aujourd’hui la race par son inexistence dans les agencements de gènes, mais cela ne change en rien ses déterminants culturels. Pour se débarrasser de ce symbolisme gênant, il faut examiner son rôle et lui trouver un succédané.

Anti-anti-anti… racisme

Toujours à propos du racisme, la file des critiques et des contre-critiques finit par ostraciser tous les intervenants. L’obsession du gène chez le raciste est une quête de généalogie plutôt que de nature… et la même quête se retrouve chez l’anti-raciste ! Ce grand article le dit : Cessons d’être drogués de la race. Racisme et anti-racisme sont les avatars d’un narcissisme individuel exacerbé. Le vrai solidaire est un non-raciste, un agnostique de la race.

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