Un Dunning-Burger pour midi?

Vous avez appris, sur le net, à vous méfier des fake-news. Si vous êtes malin, vous avez fini par quitter les groupes qui fonctionnent en sectes autour de telles croyances. Soyez à présent attentifs à ce qui alimente les fake-news : j’ai nommé les Dunning-Burgers ! Je tire ce jeu de mots de l’effet Dunning-Kruger et du hamburger. L’effet DK est un biais de surconfiance : tout profane se sent investi d’une assurance nouvelle en assimilant des notions scientifiques simplifiées pour qu’il les comprenne. Cette assurance est excessive. La simplification se rend invisible dans le vocabulaire scientifique. Il est employé comme s’il était courant et parfaitement compris de tous. Le lecteur se trouve ainsi investi d’une connaissance gratuite, flatteuse. L’esprit accueille chaleureusement le contenu fantaisiste du discours et en tire une sensation de puissance.

Le mot “quantique”, par exemple, a une richesse fort différente selon qui l’utilise. Le profane le situe à la fondation des choses sans plus de détail, le connaisseur en connaît l’effet bouleversant sur notre vision de la réalité, et le mathématicien en connaît la trame mathématique indigeste mais indispensable à la compréhension intime du mécanisme. Tous utilisent ‘quantique’, mais le savoir associé va de nul à éminent.

Le véritable expert est peu sensible à l’effet DK. Moins confiant que le profane, il est plus averti des limites de son savoir, parce que situé à cette frontière, en train de la repousser.

Les sites internet servent à toute heure, avec les meilleures intentions du monde, quantité de Dunning-Burgers. Fast-food de la connaissance qui donne l’impression d’avoir ingéré un plat de pouvoir alors que seuls ses ingrédients ont été avalés, sans recette pour les accompagner. Apprendre à faire la cuisine demande du temps. Mais le temps des suiveurs, tous les influenceurs se l’arrachent. Il faut satisfaire vite, avec quelques notions choc. L’utilisation de l’effet DK est constante, implicite. Le monde s’emplit d’idiots-savants.

Le Dunning-Burger est à rapprocher de l’intimidation mathématique. Les mathématiques sont le langage caricaturalement associé à l’effet DK, comme dans notre précédent exemple sur la réalité quantique. Vite incompréhensible, il fait semblant d’être compris, aussi rapidement, par nos contemporains qui n’ont plus le droit d’être incultes, avec tant de sources d’information à leur disposition.

Autre exemple célèbre : le Blue Monday, jour le plus déprimant de l’année, hoax vendu sans peine aux profanes à l’aide d’une formule mathématique : J=(W+(D-d))TQ/MNa avec W=weather (météo), (D−d)=debt (différence dettes-capacité de remboursement), T=time (temps écoulé depuis Noël), M=motivation, N=besoin d’agir. Formule stupide mais efficace : les profanes en maths avalent le Blue Monday sans difficulté, sans même regarder l’énoncé du problème, qui ne peut avoir de solution mathématique. Intimidation !

Comment s’en sortir ? N’empilez pas des ingrédients à l’infini dans votre cerveau. Cherchez plutôt une manière de faire la cuisine qui soit vraiment universelle. Vous devinerez les erreurs de gens plus experts que vous.

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Au secours, des maths ! Nicolas Gauvrit, Cerveau&Psycho 153

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