La vie n’existe que sur Terre?

Youhouuu !!

Le débat sur l’existence de la vie ailleurs dans l’univers s’apparente à la controverse sur l’existence de Dieu. Certains y croient dur comme fer, d’autres l’estiment impossible. Surprenant ! L’hypothèse d’une vie ailleurs est pourtant plus accessible à l’approche scientifique. Nous comprenons mieux aujourd’hui la formation des astres puis les étapes ayant permis de passer de l’inerte au vivant. Ce qui rend la frontière indistincte. Un raisonnement simple est ceci : prenons les conditions initiales nécessaires au franchissement de chaque étape ; calculons leur fréquence ; multiplions toutes ces probabilités ensemble et nous obtenons celle d’avoir une autre Gaïa quelque part.

C’est le raisonnement suivi par Jean-Pierre Bibring dans son récent livre Seuls dans l’Univers. Avec ce mode de calcul, la probabilité finale est tellement infime que nous pouvons éteindre notre émetteur radio à destination d’autres espèces. Aucun auditeur ne viendra nous souhaiter le bonjour. Autant se remettre à peindre dans les grottes. La probabilité est plus forte de contacter ainsi nos descendants lointains, qui seront aussi étranges que nos extra-terrestres imaginés aujourd’hui.

Biais majeur

Mais ce raisonnement est fondé sur un biais cognitif majeur. Il utilise exclusivement le regard descendant, celui que porte l’observateur, déjà au courant du résultat, au bout de la chaîne complexe du processus. Le regard descendant consiste à reconstruire toute la séquence de manière à obtenir ce résultat et aucun autre. L’intention n’est pas à l’origine de la séquence mais à son extrémité. Le raisonnement est fait a posteriori. Il prend la direction fin -> début, que j’appelle ‘descendante’ dans la dimension complexe. Les philosophes utilisent un terme proche : téléologique. C’est l’intention de l’observateur qui se cherche dans sa propre constitution.

Une autre histoire

Le regard ascendant montre une toute autre histoire. Il consiste à interroger les éléments constitutifs initiaux, les questionner sur leurs “projets”. L’intention est redonnée à la direction ascendante, dite ontologique. Elle ne sait rien encore du résultat auquel elle peut parvenir. Beaucoup sont possibles. Mais pas une infinité, comme le pense Bibring qui calcule la probabilité de “son” résultat parmi une infinité et le déclare impossible. Les éléments de départ n’interagissent pas au hasard. Ils créent ensemble leurs propres lois, rencontrent éventuellement des organisations stables sur lesquelles ils se maintiennent. Le nombre incommensurable de configurations des particules fondamentales se stabilise ainsi sur les organisations atomiques, à la durée incroyablement longue.

L’Univers n’est pas un chaos. Il explore, il explore encore la multitude de ses organisations possibles. Quand l’une d’elles est relativement stable, les entités créées génèrent aussitôt un nouveau contexte susceptible de conduire à des organisations supplémentaires. L’Univers n’est jamais au repos. Il existe toujours de l’énergie libre par dessus l’énergie déjà liée, qui forme de nouveaux systèmes, plus hauts dans l’échelle de complexité.

La vie est une exploration détaillée

La vie est cela : une élévation remarquable dans la dimension complexe. Certes cette élévation est locale. Elle n’a pas eu lieu sur d’autres planètes du système solaire. Celles-ci n’ont pas encore rencontré les stabilités successives qui ont permis à la vie d’apparaître. Peut-être ne le feront-elles jamais. Mais ailleurs ? Le système solaire et la Terre ne sont pas des systèmes particulièrement anciens. D’autres ont eu un délai infiniment supérieur au nôtre pour hausser leur complexité. En voyant la rapidité de notre évolution technologique récente, nous pourrions même être surpris de ne pas habiter déjà dans un quartier surpeuplé par les civilisations alien.

Pourquoi ce désert apparent?

La raison est que la complexité peut aller aussi bien dans le sens de l’effondrement que l’élévation. Plus elle est haute plus elle est fragile. Il faut garder l’organisation stable au milieu d’une foule d’évènements aléatoires. Constatons que nos progrès technologiques ne sont pas accompagnés d’avancées sociales aussi conséquentes. Des armes majeures sont entre les mains d’humains tribaux. L’effondrement de la civilisation est possible. Maintenir la complexité nécessite un collectif “à la hauteur”.

Il est possible également que le principe d’énergie libre résiduelle, moteur de la complexité, opère au niveau mental. La motivation à se reproduire et s’étendre diminuerait alors chez les extra-terrestres les plus complexes. Pourquoi continuer à satisfaire un instinct primaire, quand des préoccupations bien plus abstraites sont venues le remplacer ?

Les Dieux, s’ils existent, sont probablement devenus assez sages pour ne pas se montrer.

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La vie n’existe que sur Terre, Science & Vie HS 80 2022
Seuls dans l’Univers, Jean-Pierre Bibring, 2022

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